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ENTREVUE | Alexander Shelley parle de l'album Truth in Our Time, lancé aujourd'hui

Par Anya Wassenberg le 9 février 2024

Alexander Shelley, directeur musical de l'Orchestre du CNA (Photo : Rémi Thériault)
Alexander Shelley, directeur musical de l’Orchestre du CNA (Photo : Rémi Thériault)

C’est aujourd’hui 9 février que paraît sur étiquette Orange Mountain Music Truth in Our Time – La vérité à l’ère moderne, le plus récent album de l’Orchestre du Centre national des arts (CNA) sous la direction d’Alexander Shelley, avec le soliste James Ehnes au violon. La pièce maîtresse de l’album est la Symphonie no 13 de Philip Glass, dont l’orchestre a fait la création.

En plus de celle-ci, l’enregistrement capté en concert comprend le Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 de Korngold avec James Ehnes, la Symphonie no 9 en mi bémol majeur de Chostakovitch, Zeiss After Dark de Nicole Lizée et la pièce Strange Absurdity / Étrange absurdité du poète slam et auteur-compositeur-interprète basé à Ottawa Yao.

 

Couverture de l'album Truth in Our Time de l'Orchestre du CNA sortant aujourd'hui et sur lequel on retrouve la Symphonie no 13 de Philip Glass (Photo : Andreas H Bitesnich)
Couverture de l’album Truth in Our Time de l’Orchestre du CNA sortant aujourd’hui et sur lequel on retrouve la Symphonie no 13 de Philip Glass (Photo : Andreas H Bitesnich)

Tout le programme a été joué sous cette forme une première fois à Toronto le 30 mars 2022, soir de création de la symphonie de Glass, et repris à New York lors de la création américaine acclamée au Carnegie Hall le 5 avril. La presse américaine souligne en particulier l’agilité démontrée par l’orchestre et Alexander Shelley à passer d’un genre et d’une époque à l’autre. L’enregistrement faisant l’objet de l’album a été capté lors d’un concert ultérieur à la salle Southam du Centre national des arts.

« À mon avis, l’agilité stylistique est indispensable à n’importe quel orchestre moderne, » note le directeur musical de l’Orchestre du CNA, Alexander Shelley. Tout en appréciant cette flexibilité, il est conscient de l’équilibre à garder : « D’un autre côté, cela soulève la question, à savoir comment marier cette agilité avec l’idée que chaque orchestre possède un son distinctif? »

Pour sa part, il aborde avec le même respect tout le répertoire régulier de l’Orchestre, qui, à l’image du programme enregistré, passe du traditionnel à la nouvelle musique. Il note que le monde de la musique classique se trouve à un croisement entre l’adhérence aux styles traditionnels et la nécessité de rester pertinent dans le monde moderne.

« Il y a eu une période dans la musique classique, disons les 90 ou 100 dernières années, durant laquelle, pour la première fois de l’histoire de cette musique, on est entré dans un type de marché culturel qui ne porte pas attention à ce qui s’écrit dans le présent. »

Le monde de la musique savante occidentale restait en évolution constante environ jusqu’à l’avènement de Schoenberg et à son démantèlement de la théorie harmonique par l’élaboration de son système dodécaphonique. C’est par la suite que les choses ont changé.

 

Philip Glass recevant les applaudissements du public et de l'orchestre lors de la première américaine de sa Symphonie no 13 donnée par l'Orchestre de CNA et Alexander Shelley au Carnegie Hall (Phot0 : Dominick Mastrangelo)
Philip Glass recevant les applaudissements du public et de l’orchestre lors de la première américaine de sa Symphonie no 13 donnée par l’Orchestre de CNA et Alexander Shelley au Carnegie Hall (Phot0 : Dominick Mastrangelo)

« Où est la musique nouvelle? », se questionne Shelley. « À partir du milieu du 20e siècle, il est devenu plus commun de considérer la salle de concert comme un musée vivant. » C’est pourtant là une mentalité moins ancienne qu’on ne le croit. « On croit que de jouer de la musique nouvelle est une tendance récente. On pourrait en discuter longuement. »

Toute forme d’art doit incorporer du neuf et de l’ancien pour demeurer forte et dynamique dans la culture au sein de laquelle elle existe. L’étude des œuvres du passé fait prendre conscience du fait qu’elles parlaient directement à leur propre époque.

« Développer une connexion avec la musique qui parle à notre temps, […] une musique dont les sonorités reflètent quelque chose de cette grande tapisserie qu’on appelle la vie, constitue non seulement une exploration intéressante, mais également un rappel que la musique du passé est elle-même un reflet de sa propre époque. »

C’est la raison pour laquelle des œuvres vieilles de quelques siècles parlent encore aux oreilles d’aujourd’hui. « Tout ce qui reflète réellement l’expérience humaine de son temps perdure », affirme Shelley. « L’expérience humaine n’a pas réellement changé en quelques centaines d’années. »

Philip Glass et Alexander Shelley en discussion lors de la répétition pour la première américaine de la Symphonie no 13 de Glass au Carnegie Hall (Photo : Dominick Mastrangelo)
Philip Glass et Alexander Shelley en discussion lors de la répétition pour la première américaine de la Symphonie no 13 de Glass au Carnegie Hall (Photo : Dominick Mastrangelo)

La Symphonie no 13 de Philip Glass

« Tout le programme a été conçu autour de la thématique de la vérité dans notre ère – en tant qu’organisation nationale, c’est intéressant de se demander quel rôle la musique et l’art […] peuvent jouer dans la société. »

Tandis que l’album prenait forme, l’Orchestre du CNA contemplait sa place dans le monde. Quels grands thèmes se devait-il d’aborder en tant qu’organisme national? Il y en a tant : les changements climatiques, les politiques d’identité, la pandémie, et bien d’autres encore.

Mais une question plus grande encore se cache derrière tous ces thèmes : la question de la nature de la vérité et de notre perception de celle-ci. Qu’est-ce que la vérité objective? Existe-t-elle vraiment? Comment distinguer le vrai du faux quand on nous présente tant de « vérités » différentes provenant de tellement de sources?

 

L'Orchestre de CNA lors de l'enregistrement au Roy Thomson Hall de Toronto (Photo : Zach Nash)
L’Orchestre de CNA lors de leur concert au Roy Thomson Hall de Toronto (Photo : Zach Nash)

Shelley est conscient que l’Orchestre du Centre national des arts, à titre d’organisme national, a le poids lui permettant de prendre des risques plus grands que d’autres, et d’aspirer à une authentique expression de notre ère.

« Plusieurs des questionnements d’aujourd’hui tournent autour de la définition du concept de vérité, » dit-il. « Se pencher sur cette question semblait une exploration intéressante à faire. »

C’est durant cette période de réflexion que la famille du journaliste décédé Peter Jennings propose à l’orchestre une commande d’œuvre en sa mémoire. Les objectifs des deux parties se rejoignaient parfaitement.

Shelley avance que Peter Jennings était l’un des derniers chefs d’antenne à susciter un sentiment universel de confiance. « Ça forme un point de départ intéressant. »

 

Le journaliste Peter Jennings en 1968 (Photo : Wikimedia Commons)

Du côté anglophone, peu de journalistes ont autant laissé leur empreinte dans la profession que Peter Jennings. Son dévouement à la recherche de la vérité plutôt que du sensationnalisme a fait de son nom un synonyme d’intégrité. Possédant la double citoyenneté canadienne et américaine, il est investi de l’Ordre du Canada peu de temps avant son décès en 2005.

Inspiré par le concept soutenant la commande, Philip Glass accepte de composer une œuvre à la mémoire du journaliste.

« Le nom de Philip était en tête de liste, en compagnie de quelques autres noms, » dit Shelley. « Heureusement, il a sauté sur l’occasion. »

Le legs de Jennings est au cœur de la Symphonie no 13 de Philip Glass, bien que le compositeur aborde le concept de sa façon typiquement vague. « J’ai eu des discussions intéressantes au sujet du degré de rapprochement avec le thème. C’est toujours une question intéressante. » dit Shelley. Il trouve intriguant que le compositeur ait choisi la forme symphonique, une forme fermée avec une structure cohésive, pour exprimer le concept de vérité.

« Philip reste délibérément vague à ce sujet dans ses notes — très laconique, » dit-il, notant que Glass appartient à cette école de pensée compositionnelle ouvrant la porte à la création d’ambiguïté.

Le programme

Les autres œuvres sur l’album, bien que donnant une impression disparate, sont unies par un fil commun. « Nous avons construit le programme autour de la symphonie. »

 

Nicole Lizée a composé La terre a des maux, pièce qui sera créée par l'OSM le 26 avril dans le cadre du concert Contes et légendes du Nord. (Crédit: Murray Lightburn)
Nicole Lizée (Crédit : Murray Lightburn)

Zeiss After Dark de Nicole Lizée est le fruit d’une commande conjointe de l’Orchestre du CNA et du Toronto Symphony Orchestra pour le 150e anniversaire du Canada en 2017. Jouée par d’autres ensembles depuis, elle est ici reprise par l’Orchestre du CNA. Shelley explique que pour cette pièce, Lizée s’est inspiré des idées présentées dans le film Barry Lyndon de Stanley Kubrick, à savoir que la vérité peut être élusive, même quand il s’agit d’événements du passé que nous croyons pouvoir contextualiser correctement.

Chostakovitch, pressé par le régime soviétique de composer une symphonie héroïque et victorieuse, déçoit les attentes du régime et de l’opinion publique avec sa Symphonie no 9. Le régime en est si mécontent qu’il bannit la symphonie et l’ensemble de l’œuvre du compositeur. Lors de la première, le public soviétique a été déçu de ne pas entendre les sonorités glorieusement triomphantes auxquelles il s’attendait. « Chostakovitch – un artiste à qui on demandait d’exprimer la vérité soviétique, mais qui en a exprimé une autre. » commente Shelley. « C’est une symphonie très sarcastique et impertinente. »

 

James Ehnes et l'Orchestre du CNA lors du concert au Carnegie Hall en avril 2022 (Photo : Dominick Mastrangelo)
James Ehnes et l’Orchestre du CNA lors du concert au Carnegie Hall en avril 2022 (Photo : Dominick Mastrangelo)

Erich Korngold fuit les nazis en 1934 pour s’établir au États-Unis, initialement avec l’intention de retourner en Europe. En 1943, il adopte finalement la citoyenneté américaine et reste dans ce pays, même après sa retraite d’une prolifique carrière en musique de film. Au cours de la dernière décennie de sa vie (il décède en 1957), il compose plusieurs œuvres orchestrales, dont une symphonie et son concerto pour violon, probablement sa pièce la plus populaire. Sur l’album, elle est interprétée par James Ehnes, que Shelley qualifie de « grand artiste canadien. »

 

Yao, poète slam et improvisateur d'Ottawa (Photo : Curtis Perry)
Yao, poète slam et improvisateur d’Ottawa (Photo : Curtis Perry)

La pièce originale de Yao complète le programme. « [Il est] un merveilleux improvisateur en poèmes et en chansons. Il a créé un poème autour du thème de la race, de l’identité et de la vérité, » dit Shelley.

« En tout, c’était un programme un peu risqué pour un concert à Carnegie Hall, » avoue-t-il.

Rétrospectivement, il se réjouit d’avoir choisi ce programme pour la visite de l’Orchestre à la vénérable salle de concert. Après la prestation, des tables rondes ont été tenues sur les sujets soulevés par le programme. « On a réussi à ce que le public s’investisse dans le thème de l’engagement de l’art avec des questions politiques. »

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Cet article a été rédigé par Anya Wassenberg pour Ludwig van Toronto et traduit par Béatrice Cadrin pour la publication montréalaise.

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