Dans le milieu musical, Roseline Blain est vue comme une leader charismatique et dévouée à son art: la direction chorale. Véritable bourreau de travail, elle dirige pas moins de cinq chœurs aux vocations et répertoires bien distincts. Portrait d’une infatigable battante.
La Société chorale du Plateau, fondée récemment, regroupe trois des cinq chœurs dirigés par Roseline Blain: le Chœur du Plateau, fondé par Roseline Blain, ainsi que les ensembles vocaux Gaïa et Phoebus.
« Ces trois chœurs sont nés du désir de donner une voix à des gens qui avaient fait des études assez sérieuses en musique et qui voulaient un rythme de répétition assez avancé, leur permettant de garder la musique dans leur vie à un niveau artistique satisfaisant. Nous avons beaucoup d’anciens élèves des écoles Pierre-Laporte, Joseph François-Perreault, des Petits chanteurs du Mont-Royal et de Laval. Ce sont principalement des jeunes professionnels dans la trentaine. »
Le répertoire du Chœur du Plateau va de la Renaissance à nos jours. Une fois par an, les trois chœurs se réunissent pour interpréter une grande œuvre, comme le Requiem allemand de Brahms dans une version de chambre, en mai dernier.
Le Chœur du plateau, qui compte bon an mal an une trentaine de membres, fête ses dix ans cette année. Pour l’occasion, un grand concert anniversaire est présenté demain, le 28 janvier, à l’Église St-Pierre Apôtre : Quand le tango rencontre le flamenco
« On voulait vraiment quelque chose de festif, dit Roseline Blain. Je crois énormément à une approche physique en chant et j’essaie d’intégrer cela le plus possible. Quand on fait du classique on analyse souvent la musique avec la tête, et c’est parfois un peu long avant qu’elle descende au corps. Pour ce concert, j’ai voulu qu’on s’inspire de la danse. »
Avec ce concert, le Chœur du Plateau présentera les Romancero Gitano de Castelnuovo-Tedesco et la Missatango de Martin Palmeri. DÉTAILS ET BILLETS
« L’œuvre de Castelnovo-Tedesco est inspirée de poèmes de Garcia Lorca, et de la danse andalouse, laquelle a plus tard inspiré le flamenco. C’est en espagnol, avec guitare. On remonte aux sources du flamenco et de la musique gitane, avec tout son caractère langoureux très typique. Puis nous allons faire la Missatango de Palmeri avec un quintette à cordes, un piano et un bandonéon. »
Quelles leçons tire la cheffe de ces dix années avec le Chœur du Plateau?
« La première chose qui me vient à l’esprit, c’est que le Chœur m’est très cher car il m’a un peu mise au monde. J’ai démarré un projet mais c’est le projet qui m’a donné les outils pour être ce que je suis aujourd’hui. » Roseline Blain
« C’est un chœur qui m’a demandé, surtout au début, beaucoup de préparation, qui m’a appris à aller au bout de moi-même, et c’était très cohérent avec mon approche de la musique, ajoute-t-elle. Chaque fois que je fais quelque chose, je prends cela très au sérieux, je me documente, je veux aller le plus loin possible pour communiquer le mieux possible afin que tout le monde soit convaincu et convainquant. J’ai beaucoup appris mon métier grâce au Chœur du Plateau, car comme il s’agissait de choristes aguerris, avec une bonne lecture, il fallait que j’arrive extrêmement préparée, un peu comme avec un chœur professionnel. Ça m’a fait prendre des bouchées doubles, sinon triples. De plus, je trouve que c’est un chœur qui mérite de réaliser des projets avec encore plus d’envergure, parce qu’il sonne vraiment bien. »
Le parcours de Roseline Blain
Au départ, Roseline Blain était pianiste.
« J’ai travaillé comme pianiste jusqu’à il y a une douzaine d’années. J’ai fait une maîtrise en interprétation du piano à Ottawa avec Stéphane Lemelin. Assez tôt, dans ma jeune vingtaine, je me suis retrouvée à travailler avec des chœurs. J’ai toujours été une amoureuse de l’art vocal, j’accompagnais souvent des chanteurs et je chantais moi-même dans des chœurs. Toute jeune je dirigeais un chœur d’enfant, et j’ai été répétitrice avec les Petits chanteurs de Laval. Ça a été extrêmement formateur et je suis devenue assez polyvalente. Plus tard, je suis retournée aux études et j’ai décidé d’effectuer un séminaire en direction chorale avec Robert Ingari, à l’Université de Sherbrooke. »
Malgré ce changement d’orientation, elle dit ne regretter aucune minute passée au piano.
« Mon parcours de pianiste me sert quotidiennement dans mon métier, aucune partition ne me fait peur, et je suis très heureuse d’être passée par le piano. »
Musica Orbium
Un autre anniversaire aura lieu cette année : les 30 ans de Musica Orbium, fondé par le regretté Patrick Wedd, à qui Roseline Blain a succédé en 2019, juste avant la pandémie.
« Nous avons fait nos premiers pas ensemble, et la pandémie est venue tout arrêter. Nous avons repris l’automne dernier avec les restrictions en vigueur et la distanciation. Nous sommes heureux de fêter notre trentième en grande pompe. C’est un chœur d’une superbe valeur avec des gens extrêmement amoureux de la musique et cultivés. Ce sont des gens qui assistent à de nombreux concerts et qui connaissent le répertoire. »
PLUS DE DÉTAILS SUR CE CONCERT
Pour ce 30e anniversaire, Musica Orbium présentera le concert Sans frontières, le 22 avril prochain à l’Église St-Pierre Apôtre. Ils présenteront la Missa creola, d’Ariel Ramirez.
« C’est de la musique de l’Argentine, mais qui touche tout le plateau andin, avec des rythmes très typiques et festifs. Elle est aussi en espagnol. Ramirez l’a composée juste après Vatican II. Nous allons la faire avec une instrumentation particulière aussi, donc des instruments des andes : flûte andine, charango, ainsi que guitare, contrebasse, et un soliste, le ténor Antonio Figueroa. En deuxième partie, nous allons interpréter des folklores andins, en compagnie de musiciens d’Amérique du Sud, pour faire le pont entre ces traditions. Pour l’occasion, nous avons aussi commandé une œuvre à une compositrice de Sherbrooke, Claudie Bertounesque, qui s’est inspiré d’un poème de Joséphine Bacon. »
De l’importance du chant choral
Finalement, Roseline Blain dirige un cinquième chœur, celui du Musée d’art de Joliette, depuis peu.
« C’est un chœur très motivé, qui aime la musique, et fait du répertoire classique. À la fin de la présente saison, nous allons présenter le Requiem de Fauré à l’Église de l’Assomption. »
Elle remplace également Robert Ingari, en sabbatique, pour l’enseignement de la direction chorale à l’Université de Sherbrooke (Campus de Longueuil), en plus d’avoir fondé le tout nouveau Festival de chant choral de Montréal, dont la première édition a été présenté en octobre dernier, et qui aura aussi lieu en 2023.
Bref, la cheffe ne se repose pas très souvent.
« Je crois que la communauté chorale peut se développer davantage, ici au Québec mais également au Canada, dit-elle. C’est un des buts de ce nouveau festival. Je crois aussi qu’on a une responsabilité de développer le chant choral en français, et le fait français sera le thème de la prochaine édition du Festival. Finalement, je crois qu’il est important de donner une voix à nos compositeurs en créant de nouvelles œuvres, ce que nous avons fait lors de la première édition, et que nous allons continuer de faire. »
En conclusion de notre entretien, la cheffe tient à souligner l’importance de la communauté chorale au Québec.
« Je trouve qu’on devrait davantage mettre en lumière le chant choral, au Québec, dit-elle. C’est quelque chose qui passe sous le radar de nos élus. Il y a énormément de gens qui pratiquent le chant choral et je trouve admirable de voir autant de gens qui se déplacent, semaine après semaine, qui apprennent du répertoire, qui donnent des concerts, et qui intègrent cela dans leur vie professionnelle. Ce sont ces gens qui font tourner la roue. Ils achètent des billets de spectacles et de concerts et s’intéressent à la culture. C’est dommage que l’on ne reconnaisse pas davantage la valeur du travail choral amateur, parce que c’est énormément de travail et bien qu’ils ne soient pas des professionnels, ils contribuent à faire vivre le monde professionnel. Je trouve admirable tout le temps qu’ils donnent à la musique. »