We have detected that you are using an adblocking plugin in your browser.

The revenue we earn by the advertisements is used to manage this website. Please whitelist our website in your adblocking plugin.

DOSSIER | Mélodies de Massenet: dans les coulisses d'un projet lyrique colossal

Par Caroline Rodgers le 8 novembre 2022

Marc Boucher, pochette de l'album, piano Érard de 1854 utilisé pour l'enregistrement des 333 mélodies. (Photos: courtoisie)
Marc Boucher, pochette de l’album, piano Érard de 1854 utilisé pour l’enregistrement des 333 mélodies. (Photos: courtoisie)

Au terme de cinq ans et de milliers d’heures de travail, l’intégrale des mélodies pour voix et piano de Jules Massenet d’ATMA Classique et du Festival Classica voit enfin le jour. Ce soir, 8 novembre, on lance officiellement le coffret de 13 CD à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Histoire d’un projet colossal et unique. 

Derrière cette idée ambitieuse, il y d’abord eu le critique musical et mélomane averti Jacques Hétu, et le baryton Marc Boucher, directeur artistique du Festival Classica, qui avait déjà initié les intégrales de mélodies de Poulenc, Fauré et avec ATMA Classique.

« Comme tout le monde, je connaissais déjà quelques mélodies de Massenet, mais Jacques Hétu est un grand admirateur de Massenet, dit Marc Boucher. En 2017, j’étais chez lui, on discutait. On venait de terminer l’intégrale de Fauré, et je me disais: qu’est-ce qu’on pourrait bien faire, maintenant? C’est lui qui m’a convaincu. Nous avons passé quelques jours ensemble à regarder ce que cela pourrait représenter comme travail et nous sommes d’abord arrivés à quelque 280 mélodies. Jacques m’a dit qu’il y aurait probablement aussi de nombreux inédits, et cela nous a menés à travailler avec plusieurs spécialistes et passionnés (Sylvia L’Écuyer, Richard Bonynge, Jean-Christophe Branger, Hervé Oléon, François Leroux) et qui ont contribué au projet et nous ont aidés à trouver de ces inédits. »

Bibliothèques, encanteurs : l’équipe commence à accumuler des inédits. Un véritable travail d’archéologues. Au terme de ces recherches, ils aboutissent à 333 mélodies, dont 13 sont inédites et 33 jamais enregistrées.

« Nous savons que nous n’avons pas tout, car il existe encore des partitions dans les mains de collectionneurs privés qui ne souhaitent pas les partager. »

En cours de route, des artistes lyriques sont sélectionnés, ce qui présage un casse-tête artistique et logistique considérable. Qui chantera quoi, et quand seront-ils disponibles?

« Une fois qu’on a trouvé les partitions, ils faut déterminer pour quel type de voix chaque mélodies a été écrite, dit Marc Boucher. Avec Olivier Godin, nous sommes passés au travers de tout cela et nous avons contacté les chanteurs. »

Ces artistes, ce sont Karina Gauvin, Sophie Naubert, Anna-Sophie Neher, Magali Simard-Galdès, Julie Boulianne, Florence Bourget, Marie-Nicole Lemieux, Michèle Losier, Frédéric Antoun, Antoine Bélanger, Antonio Figueroa, Emmanuel Hasler, Joé Lampron-Dandonneau, Éric Laporte, Marc Boucher, Jean-François Lapointe, Hugo Laporte, Jean Marchand (voix parlée) et Marie-Ève Pelletier (voix parlée).

Mais comme la plupart d’entre eux ont de multiples engagements et des carrières internationales, comment trouver un moment pour enregistrer?

« L’ensemble des 13 CD représente plus de 15 heures de musique. C’est comme si on enregistrait la Tétralogie de Wagner. C’est le plus grand projet lyrique jamais enregistré au Canada, et le plus grand projet de mélodies française pour un même compositeur jamais enregistré dans le monde. De plus, ce sont tous des chanteurs et chanteuses francophones.

Paradoxalement, la pandémie de COVID-19 et la fermeture des salles de concerts sont venus au secours du projet en rapatriant par la force des choses tout le monde à la maison. Les sessions d’enregistrement ont pu avoir lieu en moins de 18 mois, à l’Église St-Benoît de Mirabel.

Karina Gauvin a enregistré plus d’une soixantaine de ces mélodies. Marie-Nicole Lemieux, plus de 50.

« Tous ces artistes, privés de travail par la pandémie, étaient ravis de contribuer à cet édifice, dit Marc Boucher. Sans la pandémie, il nous aurait fallu de cinq à dix ans pour enregistrer le projet. La pandémie a créé cette opportunité. Tous ces artistes globe-trotters sont maintenant repartis chanter un peu partout. »

En plus de chanter lui-même certaines mélodies, Marc Boucher a assisté à toutes les sessions d’enregistrements comme directeur artistique.

 

Oliver Godin, pianiste. (Photo: Chloé Bergeron)

Le piano et le pianiste: Olivier Godin

C’est le pianiste Olivier Godin qui a accompagné tous les artistes lyriques sur le piano Érard de 1854 acquis pour l’occasion à Paris grâce à la générosité de Jacques Marchand et Marie-Christine Tremblay. Celle-ci s’est rendue à Paris en personne pour faire l’acquisition l’instrument, accordé au diapason 435 hertz.

Pour ce projet, il fallait un son et une couleur d’époque. C’était un véritable impératif artistique, selon Marc Boucher.

Coïncidence: l’église St-Benoît date environ de la même époque que le fameux piano Érard. Avec sa grande expérience, Joanne Goyette, qui a réalisé les enregistrements, était convaincue que c’était la meilleure acoustique pour ce projet.

« On dirait que le bois du piano, de la même époque que l’église, sonnait particulièrement bien à cet endroit. C’est un excellent piano, très différent d’un instrument moderne, avec un clavier plus court, et auquel il faut s’adapter », dit Olivier Godin.

 

Le piano Érard de 1854 utilisé pour l'intégrale des mélodies pour vois et piano de Jules Massenet. (Photo: courtoisie du Festival Classica)
Le piano Érard de 1854 utilisé pour l’intégrale des mélodies pour vois et piano de Jules Massenet. (Photo: courtoisie du Festival Classica)

Comment peut-on aborder, artistiquement, l’enregistrement de 333 mélodies? Nous avons posé la question à Olivier Godin. 

« Avant ce projet, je ne connaissais pas tant que la l’œuvre de Massenet, et j’ai réalisé à quel point elles méritent d’être connues. À force d’étudier et de jouer ces mélodies, j’ai réalisé que c’était en quelque sorte un cahier d’esquisses pour ses opéras. Il était très ouvert à ce qui se passait à son époque, et il ne faut pas oublier que toute sa vie, comme compositeur d’opéra, il était coincé entre Wagner et Verdi. Dans certaines mélodies, on a l’impression d’entendre des influences de l’un ou l’autre. C’est passionnant de voir comment il était influencé par son époque. Oui, il y a un style Massenet, mais autour de cela, il y a toutes sortes de tentatives, d’essais et d’expériences en dehors de son propre langage. Et dans certaines mélodies, on entend clairement qu’il s’agit d’esquisses pour Manon ou Werther. Évidemment, Massenet aimait beaucoup les chanteurs et chanteuses, et il écrivait pour ceux qu’il connaissait, et cela s’entend. »

Quand il enregistre, Olivier Godin s’efforce de ne pas trop écouter de versions antérieures, car il préfère aborder les œuvres avec une vision fraîche. Pour distribuer les mélodies aux artistes, Marc Boucher et lui se sont entre autres basés sur les interprètes originaux, lorsque ceux-ci étaient connus.

« Certaines mélodies avaient été écrites, entre autres, pour Lucy Arbell, qui était contralto. Il était donc certain que ces mélodies iraient à Marie-Nicole Lemieux. »

Ce que le pianiste a trouvé le plus difficile a été, au début, de voir l’ampleur du travail, et de garder le moral pendant la pandémie.

« Tout le monde traversait une période difficile sur le plan professionnel, et cela nous a un peu sauvés d’avoir ce projet à réaliser. Ça a vraiment été un plaisir, et quelque chose d’unique, un grand moment pour tous ceux qui ont participé. »

Question piège: le pianiste a-t-il une mélodie préférée? Le pianiste rit.

« Je dirais qu’il y a un cycle pour contralto qui s’appelle les Expressions lyriques, qui est vraiment extraordinaire. C’est de la grande musique. Une des mélodies est La dernière lettre de Werther à Charlotte, c’est comme un résumé de l’opéra Werther, en quatre minutes. C’est une pièce vraiment touchante. »

Parmi les autres instrumentistes ayant participé au projet, on retrouve le violoncelliste Stéphane Tétreault, le violoniste Antoine Bareil, le guitariste David Jacques et la harpiste Valérie Milot. Johanne Goyette, fondatrice d’ATMA Classique, assume la réalisation de l’enregistrement.

Le coffret Intégrale des mélodies pour voix et piano de Jules Massenet, accompagné d’un livret de 367 pages, est disponible dans les magasins de disques ainsi que sur le site d’ATMA Classique, et en format numérique sur les diverses plateformes comme Spotify et Apple Music. 

Ce projet a été rendu possible grâce à la générosité de Jacques Marchand, Marie-Christine Tremblay et Marie-Paule Rouvinez-Laurans. 

Inscrivez-vous à notre infolettre! La musique classique et l’opéra en 5 minutes, chaque jour  ICI

Partager cet article
lv_montreal_banner_high_590x300
comments powered by Disqus

LES NOUVELLES DU JOUR DANS VOS COURRIELS

company logo

Part of

Conditions d'utilisation & Politique de vie privée
© 2024 | Executive Producer Moses Znaimer