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RENCONTRE | Julie Nesrallah: "Carmen est la première féministe opératique"

Par Caroline Rodgers le 2 mars 2022

Alors qu’elle se prépare à incarner Carmen dans la version concert de l’Orchestre classique de Montréal, les 8 et 9 mars, Julie Nesrallah nous parle de cette femme rebelle dont la modernité et la liberté contrastent avec son époque.

Elle chantera en compagnie de la soprano Suzanne Taffot (Micaëla), du ténor Ernesto Ramirez (Don José) et du baryton Hugo Laporte (Escamillo) dans cette version concert abrégée de 90 minutes « pour quatre », avec mise en place d’Eda Holmes, du Centaur Theater, sous des éclairages d’Anne-Catherine Simard-Deraspe, et sous la direction musicale de Boris Brott. 

Je rejoins la mezzo-soprano libano-canadienne par téléphone pour une conversation des plus intéressantes sur ce personnage qu’elle a incarné une multitude de fois depuis 2003.

Ludwig van Montréal: Tout d’abord, parlez-nous un peu de vous et de votre parcours.

Julie Nesrallah: « Je suis née à Ottawa de parents libanais, et j’ai toujours été attirée par les arts, dès un très jeune âge. Enfant, j’ai fait du ballet et du piano. Je chantais aussi dans un chœur à l’école, et le chant a pris le dessus sur le piano. J’étais meilleure chanteuse que pianiste. À douze ans, j’ai participé à un festival d’opéra à Ottawa, et j’ai commencé à prendre des cours de chant, et le chant s’est emparé de ma vie! Je suis allée étudier à l’Université Carleton, et ensuite à McGill, puis j’ai commencé ma carrière. Je vis présentement à Toronto. »

 

Julie Nesrallah, mezzo-soprano. (Photo: courtoisie)
Julie Nesrallah, mezzo-soprano. (Photo: courtoisie)

LvM: Combien de fois avez-vous chanté le rôle de Carmen?

Julie Nesrallah: « Oh! Tellement de fois! Je n’ai jamais compté. C’est un de mes rôles principaux. Je l’ai fait pour la première fois avec Opera Saskatoon, et cette année-là, je l’ai même fait trois fois. Je n’ai jamais arrêté de chanter ce rôle depuis. »

LvM: Comment percevez-vous Carmen? Quelle sorte de femme est-elle? Vous l’avez chantée tellement de fois, vous avez sûrement des opinions sur son caractère et sa personnalité.

Julie Nesrallah: « Exactement. La première fois que je l’ai chantée, j’avais une bonne idée de qui elle était, car je savais que d’une certaine façon, elle me ressemble. Sous plusieurs aspects, nous sommes la même personne, excepté pour son côté criminel (rires)! Carmen est une personne tellement fascinante et attirante, elle ne se soucie pas d’être célibataire et de ne pas avoir d’enfants, bref de ne pas vivre une vie conventionnelle.

Elle est la première féministe opératique, elle veut être une femme libre. Elle prend plusieurs amoureux, et si elle ment dans d’autres domaines, comme la contrebande et aux douaniers, elle ne ment pas à ses amants. Elle ne ment pas au sujet d’elle-même et de ses partenaires. Je ne veux pas la dépeindre comme une espèce de « putain de Babylone » qui a plusieurs amants. En fait, elle est en mode d’autoprotection. Elle se protège elle-même et protège sa liberté, c’est ce qu’elle a de plus précieux. En tant que femme ayant grandi avec ce personnage, je ressens des affinités très proches avec ce sentiment. Le plus important dans ma vie, c’est la liberté. Je ne suis pas non plus mariée, et je n’ai pas d’enfants. J’ai toujours été honnête avec les hommes dans ma vie, et je n’agis peut-être pas de façon aussi cavalière que Carmen quand mes relations se terminent, mais quand c’est fini, c’est fini!

Cette inclinaison pour la liberté est aussi un aspect avec lequel elle éprouve parfois des difficultés, elle voudrait aimer Don José, et peut-être que Don José l’aime, mais elle ne peut tout simplement pas franchir le pas, et il est trop faible pour être avec une femme comme elle.

Je pense beaucoup à Carmen, et même si c’est « juste un opéra », chaque fois qu’elle est tuée à la fin, ça me touche. J’ai l’impression de perdre une sœur.

 

« Parce que c’est une histoire qui continue d’arriver, à notre époque, où une femme est tuée après une rupture par un homme qui ne peut pas se contrôler. Une femme est sacrifiée parce qu’il ne peut pas contrôler son comportement. C’est une histoire tellement moderne. » – Julie Nesrallah, mezzo-soprano

 

Carmen représente la femme de tous les jours. À l’époque, quand l’opéra a été créé, les gens pensaient qu’il était scandaleux d’avoir une femme comme elle comme personnage principal. Aujourd’hui, quand on la voit, on n’est plus scandalisé par ses façons d’agir, par une Bohémienne qui s’amuse avec les hommes. Ce qui est scandaleux, aujourd’hui, c’est qu’une femme soit tuée parce qu’elle veut être libre. En tant qu’artiste, et actrice, je me dois de faire en sorte que vous l’aimiez tellement que quand elle meurt, vous ayez le cœur brisé. »

LvM: Comment est conçue cette version abrégée avec seulement quatre chanteurs?

Julie Nesrallah: « J’ai cette petite compagnie appelée Carmen on tap, où nous présentons ces versions abrégées avec moins de personnages sur scène, et j’ai aussi conçû une version avec seulement quatre chanteurs. Quand l’OCM m’a approchée, je leur ai proposée celle-ci. On change un peu l’ordre chronologique, et après avoir coupé la partition, tout est plus intense, et un peu plus sombre. Cela devient un triangle amoureux. Quant à Micaëla, elle représente la voix de la décence et du bon sens. Elle a plus de présence. À quatre, cela fait une impression très différente, et c’est vraiment fantastique car on explore chaque personnage plus intimement. »

 

Julie Nesrallah, mezzo-soprano. (Photo: courtoisie)
Julie Nesrallah, mezzo-soprano. (Photo: courtoisie)

LvM: En résumé, pourquoi devrait-on aller entendre cette version?

Julie Nesrallah: « Je pense que les gens ont besoin d’envisager les choses de manière plus large. Les gens ont besoin de voir cette version parce qu’ils ont besoin de sortir et de se rappeler que l’art est une force absolument nécessaire, dans la vie. C’est une chose de voir une prestation sur un écran, mais il n’y a rien comme d’y être en personne. Rien ne dépasse une présentation sur scène. De plus, je pense que nous continuons de refaire ces classiques, comme Carmen, ou La Bohème, c’est que nous n’avons pas fini de les explorer. Il y a clairement quelque chose d’infini, dans l’âme humaine, qui créé le besoin de faire vivre cette musique, et de l’entendre.  »

Carmen, de Bizet, à l’Orchestre classique de Montréal, les 8 et 9 mars, 19 h 30, salle Pierre-Mercure. 

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