Rares sont les musiciens québécois à avoir un album sous étiquette Pentatone. C’est maintenant le cas de Maxim Bernard, qui lance ces jours-ci Hommage à Horowitz. Nous avons profité de l’occasion pour réaliser avec lui un entretien téléphonique.
Hommage à Horowitz reprend le célèbre programme du récital que Vladimir Horowitz a donné à Moscou en 1986 après 60 ans d’exil, un moment historique. Dans le passé, Maxim Bernard a donné ce programme plusieurs fois en récital avant qu’il soit immortalisé sur disque.
LvM: « Comment vous êtes-vous retrouvé à travailler avec Pentatone? »
Maxim Bernard: « J’ai enregistré mon album au Domaine Forget et je me suis mis à envoyer l’enregistrement à des maisons de disques en Europe et au Québec. Plusieurs étaient intéressées, mais c’est Pentatone qui m’a offert les meilleures conditions. Je connaissais déjà Renaud Loranger (NDLR: qui est vice-président, artistes et répertoire, chez Pentatone) depuis 2014. Il m’avait été présenté par Yannick Nézet-Séguin à l’occasion d’un concert à Baden Baden. Je lui ai envoyé mon disque et il l’a adoré. »
LvM: « Pourquoi avoir choisi ce programme tellement mythique? »
Maxim Bernard: « Je suis passionné par les pianistes du passé. J’écoute ces grands pianistes chaque jour: Rachmaninov, Cortot, Horowitz, et plusieurs autres. Je voulais aller dans cette veine, et Horowitz est un pianiste qui m’a beaucoup influencé, et ce récital à Moscou est tellement important que son épouse, Wanda Toscanini, disait qu’il s’agissait du plus grand moment de sa carrière. De plus, je trouve que c’est l’un des plus beaux programmes pour piano que l’on puisse imaginer. Il y a tout, là-dedans, énormément de variété et il se dégage une atmosphère de l’enchaînement des pièces. On fait souvent des hommages à des compositeurs, mais il est rare que l’on rende hommage à un interprète. Il y a neuf compositeurs présents dans ce programme, et cela montre les différentes facettes de ma personnalité musicale. Pour un premier disque, je trouvais cela intéressant de reprendre ce programme. »
LvM: « Qu’aimez-vous chez Horowitz, dans sa façon de jouer? »
Maxim Bernard: « On peut dire qu’il y a plusieurs Horowitz: celui d’avant 1953, celui des années 1970. Son jeu a beaucoup changé avec les années. Ce que je préfère, c’est le côté spontané de ses interprétations. Il ne rejoue jamais deux fois de la même façon. C’est une spontanéité qui s’est perdue chez les interprètes. J’aime son magnifique sens du phrasé, les couleurs au piano, on les reconnaît et on les comprend. Sa sonorité qui résonne comme une cloche et se prolonge, et le côté aérien, léger du son, que l’on constate plus dans les dernières années. »
LvM: « Évidemment, ta propre interprétation ne ressemble pas à celle d’Horowitz. Comment as-tu abordé ces pièces, sachant que ton album serait dans l’ombre de ce récital, mais qu’il fallait tout de même qu’il te représente, comme artiste? »
Maxim Bernard: « Horowitz a enseigné et il encourageait ses élèves à avoir leur propre personnalité. À force de vivre avec les œuvres et de les jouer en concert, je me les suis appropriées. Également, j’ai étudié pendant sept ans avec Menahem Pressler, qui est une sommité, de voir la musique à travers ses yeux, on comprend l’inspiration derrière les notes et c’est extraordinaire d’avoir étudié avec lui, et le fait d’écouter les grands pianistes depuis tellement d’années. Tout cela, mélangé avec mon propre style, mûrit depuis longtemps. Quand on joue, on écoute sa voix intérieure et forcément, cela sonne différemment des autres, même si je suis bien conscient que tous les musiciens sont influencés par d’autres. »
LvM: « C’est le moment de la question « qui tue », de l’avocate du diable: pourquoi écouterait-on cet album quand on peut écouter l’original?
Maxim Bernard: « C’est une grande question, qui revient à demander pourquoi on enregistrerait les Variations Goldberg quand Glenn Gould l’a déjà fait. Pourquoi enregistrerait-on d’autres pièces, parmi tout ce qui a été déjà fait? Je pense qu’il faut aimer l’art de l’interprétation. Sur mon disque, il y a beaucoup de chefs-d’œuvre. On les appelle ainsi parce qu’ils ont des possibilités infinies. On peut toujours mettre quelque chose de nouveau en lumière dans ces pièces. Ce sont aussi des pièces accessibles pour le grand public autant que pour les connaisseurs. Horowitz avait planifié ce programme en s’assurant qu’il allait plaire à tous.
LvM: « Avez-vous une pièce préférée dans ce programme? »
Maxim Bernard: « C’est difficile de choisir, mais j’ai une affinité particulière avec Liszt. Cela dit, j’aime tout dans ce programme. »
LvM: « Vous avez fait vos débuts à Wigmore Hall en 2019, mais la pandémie a interrompu les activités de presque tous les musiciens. Comment avez-vous été affecté? »
Maxim Bernard: « C’est certain que 2019 avait été exceptionnelle pour moi. J’ai joué à Wigmore Hall, j’ai fait une tournée aux Pays-Bas, j’ai joué au Concertgebouw, et dans plusieurs villes en Europe. Quand j’y repense aujourd’hui, c’était comme un rêve. La pandémie a forcé l’annulation de plusieurs choses. J’avais un concerto de prévu en Ontario et plusieurs récitals. J’ai pu jouer quand même dans des maisons de la culture, mais pendant un an, je n’ai pas joué en public. J’étais toujours au piano. J’adore répéter, je le fais en moyenne cinq heures par jour, mais j’aime aussi partager avec le public. »
Maxim Bernard en concert prochainement :
- Le 27 février, 14 hCathédrale de Nicolet
- Le 26 mars, St-Jax Church, Montréal
- Le 27 mars, Maison de la culture d’Ahuntsic
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