En août dernier s’éteignait R. Murray Schafer. Le Quatuor Molinari, qui a travaillé étroitement avec lui pendant des années, lui rend hommage en interprétant quatre de ses quatuors à cordes à l’occasion d’un concert au Conservatoire de musique de Montréal. Olga Ranzenhofer, premier violon de l’ensemble, évoque ses souvenirs du grand compositeur canadien.
« J’ai connu Murray Schafer il y a 33 ans, alors que j’étais membre du Quatuor Montmorency, et quand j’ai fondé le Quatuor Molinari, je lui ai dit que je voulais jouer tous ses quatuors, et dès notre premier concert, nous avons joué son quatrième, et son cinquième à notre second concert, dit-elle. Nous avons contribué à l’élargissement de ses quatuors à cordes, en lui en commandant ou en créant cinq des treize, et nous en avons enregistré douze. Le premier enregistrement a eu lieu en 1999. Nous avons été très chanceux. Quand on recevait l’enveloppe avec la nouvelle partition, on se sentait vraiment choyés. »
Dans ce contexte, le Quatuor Molinari a donc eu l’occasion de rencontrer Murray Schafer plusieurs fois.
« Il est venu à Montréal pour des créations, et il voulait notamment trouver un moyen d’intégrer les oeuvres de Molinari. Je me souviendrai toujours d’un moment où j’étais assise entre Schafer et Molinari, à l’atelier de celui-ci. C’était extraordinaire d’avoir deux des plus grands artistes canadiens, qui discutaient pour trouver un moyen de travailler ensemble pour le Molinari. Schafer a pensé utiliser les couleurs que Molinari aimait tant, et chaque musicien serait associé à une couleur. Le rouge, premier violon: l’énergie. Le bleu, deuxième violon, la fluidité et l’eau, le jaune pour l’alto et la lumière, et le violoncelle en vert. Molinari a créé des sculptures triangulaires qui étaient sur scène, pour le septième quatuor, et qui nous représentaient sur scène quand on n’y était pas, car c’est un quatuor complètement éclaté, avec des parties en solo, duo et trio. C’est seulement à la fin que tout le monde était sur scène. »
Murray Schafer était un homme d’une grande intelligence et doté d’un excellent sens de l’humour, raconte Olga Ranzenhofer.
« Il était d’une grande vivacité, se souvient la violoniste. C’était quelqu’un qui riait beaucoup, qui aimait raconter une foule d’anecdotes, un pince-sans-rire. On le voit dans sa musique et dans ses partitions. Dans son deuxième quatuor, Waves, à la fin, c’est le public qui fait la dernière vague en riant, parce que le violoncelliste sort une longue-vue et cherche ses collègues qui sont partis dans la salle. Murray Schafer aimait être dans la salle pour voir et entendre les réactions des gens. Ce n’était pas quelqu’un qui voyait la musique comme quelque chose de très sérieux, il disait si vous trouvez cela drôle, riez, amusez-vous! Il avait d’ailleurs reçu une commande d’un orchestre qui lui demandait que sa pièce ne dépasse pas 10 minutes, et l’avait intitulée No longer than ten. »
« C’était aussi un bon vivant, un homme affable et généreux. Il était à l’écoute des interprètes, aussi. Si en lisant une partition, je l’appelais pour lui demander « cette note est-elle un si bémol ou un si bécarre? » il me demandait « what sounds best, Olga? » Il avait une relation de confiance avec les musiciens. Ce n’était pas important, pour lui, de s’être trompé ou non, il savait qu’il n’était pas infaillible et il y avait toujours un échange, une ouverture. C’était extraordinaire de travailler avec lui. »
Pour rendre hommage à R. Murray Schafer, le Molinari jouera ses quatuors no 7 (avec soprano, auquel se joindra Aline Kutan),10, 12 et 13. Le treizième, porte le titre d’ Alzheimer’s Masterpiece, maladie dont il était atteint. Ce sera sa dernière œuvre après son diagnostic, en 2015.
Au concert, on pourra également visionner un extrait du projet Schafer’s Labyrinth au cours duquel les musiciens joueront des extraits de plusieurs quatuors en direct sur une trame cinématographique réalisée par Barbara Willis-Sweete. À terme, ce film accompagnera le cycle complet des 13 quatuors de Schafer.
Concert à la mémoire de R. Murray Schafer, 15 octobre, 19 h 30, salle de concert du Conservatoire.
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