Cette saison, la Société de musique contemporaine du Québec (SCMQ) présente cinq concerts-portraits de compositeurs d’ici. Le premier, qui aura lieu demain, 26 septembre, à la salle Pierre-Mercure, est consacré à André Hamel, que j’ai eu le plaisir de rencontrer.
Caroline Rodgers: « Comment avez-vous commencé votre parcours musical? »
André Hamel: « J’ai composé ma première chanson à huit ans, mais je n’avais pas de formation musicale. C’est ma soeur, qui faisait du piano, qui l’avait écrite. Je l’ai encore. C’est une chanson enfantine, tout simplement. À onze ans, je faisais de la guitare et je voulais devenir chansonnier. À 14 ans, j’écoutais du Jimmy Hendrix et du Led Zeppelin. Je voulais faire du rock et je me suis beaucoup intéressé au rock progressif. Mais à 15 ans, j’ai aussi commencé à prendre des cours de piano classique. J’ai fait de musique pop et rock jusqu’à l’âge de 26 ans. C’est à 26 ans que je suis entré à l’université et que j’ai découvert la musique contemporaine. La deuxième année, j’ai suivi un cours d’analyse avec Serge Garant. J’ai fait un baccalauréat et une maîtrise et après une longue pause, j’ai entrepris un doctorat que je suis en train de terminer. »
CR: « Comment décririez-vous votre musique? »
AH: « J’ai une démarche assez particulière, que je ne peux pas toujours appliquer, mais j’appelle cela la « dissociation élémentielle ». L’expression est de moi. Deux pièces du concert sont vraiment bâties sur ce modèle. C’est composé d’éléments autonomes, qui en apparence ne semblent pas aller ensemble, mais sont juxtaposés les uns aux autres, un peu comme on le voit dans la musique de Charles Ives, qui a été ma grande inspiration. Comme dans Central Park in the Dark. Tout à coup, on entend une fanfare passer pendant qu’il se passe autre chose. La première fois que j’ai entendu sa musique, c’était dans un cours de connaissance du répertoire contemporain à l’université, et ça a été une révélation pour moi. Je me suis dit « il peut y avoir une autre façon de penser la musique ». Je me suis dit que je voulais faire cela, et au début, j’appelais cela de la polyréalité, mais j’ai changé le terme plus tard. »
CR: « Qu’est-ce qui nous inspire quand on a cette démarche? »
AH: « On s’inspire des paysages sonores. Souvent je donne l’exemple de la nature, d’une promenade en forêt, avec la superposition du vent dans les feuilles, des oiseaux qui chantent, de la scie à chaîne qu’on entend au loin. Je spatialise aussi les interprète, quand c’est possible. Au concert, ma pièce principale, In Auditorium, qui avait été créée en 1998 par l’OSM dans une collaboration avec la SMCQ, est une pièce pour orchestres mais sans les cordes. C’est une pièce de 16 minutes. L’autre pièce en dissociation élémentielle, c’est L’être et la réminiscence, créée par le NEM en 2017. Ces deux pièces ont gagné le prix Opus de la création de l’année. Les trois autres pièces sont plus anciennes. La première, une pièce pour violon et piano, sera jouée par ma fille, qui vient de terminer sa maîtrise au Conservatoire, en violon. Cela faisait longtemps que j’espérait qu’elle la joue. »
CR: « Cela fait donc plus de trente ans que vous êtes compositeur. Quel est votre bilan de cette existence? (rires)
AH: « Je rêve toujours de pouvoir vivre de mon art, mais des compositeurs de musique contemporaine qui ne vivent que de cela, au Québec, il y en a très peu. J’enseigne au cégep depuis plusieurs années, mais j’ai encore un statut précaire. Ma conclusion, c’est que j’ai hâte de prendre ma retraite de l’enseignement pour pouvoir ne faire que de la composition. J’ai acheté une maison à la campagne. C’est la maison de mes ancêtres. Je vais aller m’y installer. J’ai toujours le souvenir d’une des dernières entrevues de Riopelle qui disait à un journaliste: « pour faire ça, il faut penser à ça tout le temps ». Si je suis sur une lancée, que je viens de terminer une pièce, j’aurais envie d’en faire une autre, mais je ne peux pas, car il y a l’enseignement, et toutes sortes d’autres choses. »
Concert In auditorium – Portrait d’André Hamel: 26 septembre, 15 h, salle Pierre-Mercure. Ensemble de la SMCQ
Cristian Germán Gort, chef, Sixtrum, Quasar, Anne-Claude Hamel-Beauchamp, violon, Louise-Andrée Baril, piano
Sylvain Marotte, vidéo.
Ce concerts sera aussi disponible en webdiffusion.
Les autres concerts de la série de Portraits de la SMCQ :
Carnets de voyages: Portrait de Simon Bertrand – 30 janvier 2022
Kata: san shi ryu: Portrait de Michel Longtin – 27 février 2022
La mémoire équivoque: Portrait de Jean Lesage – 27 mars 2022
Brasier: Portrait de Linda Bouchard – 1er mai 2022