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COMPTE-RENDU | CMIM: la France, l'Italie et la Corée du Sud très bien représentées en demi-finale

Par Caroline Rodgers le 28 avril 2021

Dimitri Malignan, pianiste français concurrent au CMIM Piano 2021. (Photo: capture d'écran de la captation vidéo)
Dimitri Malignan, pianiste français concurrent au CMIM Piano 2021. (Photo: capture d’écran de la captation vidéo)

On a entendu de bien belles choses au deuxième jour du Concours musical international de Montréal, Piano 2021, avec des candidats nettement plus intéressants que la première journée des demi-finales. Compte-rendu des épreuves du 27 avril 2021.

Le Français Dimitri Malignan, dont le récital était capté à la salle Cortot de l’École Normale de Musique de Paris, est déjà, au début de la vingtaine, un pianiste accompli et promis à une belle carrière. Une musicalité profonde et naturelle lui permet de jouer avec intelligence le Cappricio sopra la lontananza del fratello dilettissimo BWV de Bach, pièce en trois mouvements que l’on n’entend pas très souvent. Tout est limpide et bien articulé.

Comme deuxième pièce, il a choisi les Variations sur un thème de Schumann, op. 9, de Brahms. Si je ne suis généralement pas très favorable à la présentation de thèmes et variations dans le cadre d’un concours, car ils s’avèrent souvent longs et fastidieux sous les doigts de candidats moyens, ce n’est certes pas le cas ici, bien au contraire. L’interprétation de Malignan est poétique, sensible, bien dosée, faisant entendre une riche palette de couleurs et de nuances subtiles, dans un esprit parfaitement romantique. En un mot, magnifique.

Il enchaîne avec quatre des Préludes op. 32 de Rachmaninov (nos 8, 10, 6 et 5) suivis du 7e Prélude de l’opus 23. Cette partie confirme non seulement ses qualités en tant qu’interprète, mais sa maîtrise technique. J’espère vivement réentendre ce concurrent en finale, mais on ne sait jamais.

États-Unis

La deuxième pianiste, l’Américaine Stephanie Tang, commence son programme avec China Gates, une longue pièce minimaliste et planante de John Adams où il se passe finalement peu de choses, et qui, bien qu’introduisant une belle atmosphère, ne sert pas particulièrement à faire ressortir de quelconques qualités chez un ou une interprète. Avec l’Étude de Debussy « Pour les arpèges composés », on retrouve à peu près les mêmes nuances et le style de jeu se distingue peu de la pièce précédente. Un autre choix étrange qui nous permet seulement de constater que la pianiste a de la technique. On ne s’attend pas à moins.

Elle attaque ensuite les Variations et fugue Eroica, de Beethoven. Le style est bon, mais la sonorité est dure dans les accords et les nuances forte. Rien de remarquable qui nous permettrait de dire qu’on aime cette pianiste plus qu’un(e) autre. Elle conclut sa prestation avec la Sonate no 5 de Scriabine, bien jouée, sans plus.

Corée du Sud

C’est Yeontaek Oh, de la Corée du Sud, qui prend la relève, avec l’Andante grazioso con moto WoO 57 ou « Andante Favori » de Beethoven, qu’il exécute avec élégance et une sonorité chaleureuse, mais il gagnerait à laisser la musique respirer davantage. C’est suivi de la Toccata, BV 287 de Busoni, objet musical virtuose que l’on peut qualifier de casse-cou. Le pianiste y exploite bien les moments de suspense, toutefois les passages plus doux et mystérieux manquent de lyrisme, et il est difficile de ne pas avoir le mot « piochage » à l’esprit dans les séquences virtuoses forte.

Changement brusque d’atmosphère avec la Grande Humoreske op. 20 de Schumann, superbement jouée et mieux adaptée à la personnalité du pianiste, qui a enfin l’air d’avoir du plaisir à jouer et fait de la musique. On y apprécie mieux ses capacités d’interprète. Ira-t-il en finale? J’en serais quand étonnée.

Il est suivi de sa compatriote sud-coréenne Su Yeon Kim, qui nous fait entendre le Concerto Italien, de Bach, pièce agréable que l’on connaît par cœur s’il en est une. C’est justement pour cette raison qu’il s’agit d’un choix dangereux dans un concours, puisque tant de versions aimées sont ancrées dans notre esprit. Il faut être brillant, sinon s’abstenir. Ici, dans le premier mouvement, la pianiste nous semble précipiter les choses inutilement, ne pas prendre suffisamment le temps d’énoncer les phrases, peut-être est-ce la nervosité. Les choses empirent avec l’Andante, sec et presque dépouillé de sa poésie, tout comme le Presto sera dénudé de son humour et de sa joie. Les trois pièces de Chopin (Ballade no 4, Nocturne no 2, Scherzo no 3) ne seront guère plus convaincantes, malheureusement. Tant d’occasions ratées, cela ne pardonne pas. La Sonate no 3 de Prokofiev, en finale, continue dans la même veine.

Italie

Avec son programme bien équilibré (Bach-Ravel-Stravinsky/Agosti), l’Italien Francesco Granata a l’occasion de prouver qu’il est un candidat à prendre au sérieux. Dès les premières notes du Prélude et fugue en fa mineur BWV 857, il pique déjà notre intérêt. Les Miroirs, de Ravel, joués dans leur intégralité, sont superbes, nuancés, habités, et bien que tout ne soit pas parfait, il relève le défi du redoutable Alborada del gracioso avec panache et personnalité. Son programme se termine avec L’Oiseau de feu de Stravinski, excellent choix pour démontrer sa virtuosité (sans avoir l’air d’un robot), et nous ne serons pas déçus par cette finale palpitante qui, malgré de légers accrochages, nous a tenus en haleine. Que de plaisir. Si nous avions été dans une salle de concert, le public aurait certainement applaudi à tout rompre, mais l’émotion restera coincée derrière la froideur de mon écran de treize pouce. Je ne sais pas ce qu’en ont pensé les juges, mais en ce qui me concerne, c’est mon deuxième candidat favori de cette journée.

Le curieux cas de Joon Yoon

Finalement, un troisième candidat sud-coréen, Joon Yoon, conclura cette deuxième journée de compétition, avec une prestation enregistrée à Berlin. Brave, il entreprend son programme avec une pièce inconnue en cinq mouvement d’un compositeur de son pays, Isang Yun, publiée en 1958, Fünf Stücke für Klavier, typique de son époque. Cela a au moins le mérite de nous offrir une découverte, et d’apprécier l’intelligence du pianiste, qui nous fait clairement comprendre ce qu’il joue parce que tout simplement, il le comprend lui-même.

On ne peut toutefois s’empêcher de rire lorsqu’il enchaîne à toute vitesse dans le Prélude et fugue en do mineur BWV 847 de Bach, au tempo un peu inégal et joué avec peu de nuances. Peut-être aurait-il mieux fait de reprendre ses esprits dans de s’y jeter à corps perdu. La fugue est mieux, avec un petit côté brouillon. Ce sera suivi de Les Ombres errantes, de Couperin, et de Embraceable You, d’Earl Wild (qui fait partie de Seven Virtuoso Etudes after Gershwin), dans une très belle exécution, encore une fois enchaînée à la pièce précédente sans prendre une seconde de répit. Cette dernière pièce sera, à mon avis, un magnifique moment de ce surprenant récital au programme tirant dans tous les sens, avec Les Tricoteuses, de Couperin, et finalement, Le Tombeau de Couperin, de Ravel, dans une interprétation fluide, virtuose et intéressante à écouter du début à la fin.

Décidément, ce Joon Yoon dégage un je-ne-sais-quoi faisant qu’on aurait envie d’être ami avec lui et de se lancer dans une longue conversation en marchant dans les rues de Berlin. On imagine facilement, ici, un être d’une grande intelligence, un artiste sympathique et un personnage somme tout charismatique qui a probablement de petits côtés excentriques. Tout ce paragraphe n’est évidemment que pure spéculation, mais quand un artiste suscite ainsi la curiosité, c’est signe qu’il avait quelque chose à dire. Dans les concours, ce n’est pas donné à tout le monde.

On peut réentendre tous ces concurrents sur le site du CMIM.

Aujourd’hui, troisième jour des demi-finales, on entendra:

10 h – Zhu Wang (Chine)
11 h – Ji-Hyang Gwak (Corée du Sud)
12 h – Llewellyn Sanchez-Werner (États-Unis)
14 h – Chaeyoung Park (Corée du Sud)
15 h – Kevin Ahfat (Canada)
16 h – Cristian Sandrin (Roumanie)

À demain matin, pour la suite de ce compte-rendu quotidien.

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