C’était le retour de l’Orchestre symphonique de Montréal devant un public restreint, hier soir, à la Maison symphonique. Le concert « Sonorités américaines », sous la direction de Thomas LeDuc-Moreau, nous a enfin permis de renouer avec notre orchestre, sa sonorité et sa virtuosité.
En un sens, les hasards de la vie ont joué contre l’OSM, puisqu’il s’en est fallu de quelques semaines pour que ces retrouvailles soient dirigées par Kent Nagano. Dommage, mais le programme d’hier nous a permis de découvrir des oeuvres que l’on n’entend pour ainsi dire jamais, et Thomas LeDuc-Moreau, chef assistant, qui a eu bien peu d’occasion de diriger devant public au cours de la dernière année, a démontré son savoir-faire au podium et son excellente compréhension de la musique qu’il dirigeait.
Après un mot de bienvenu de Madeleine Careau, qui a remercié le public pour sa fidélité et sa générosité dans l’adversité de la dernière année, le concert s’ouvre avec la beauté déchirante de l’Adagio pour cordes de Samuel Barber, qui met la table pour la suite de ce programme américain. Le Concerto pour violon, du même compositeur, est rarement joué ici et c’est à Kerson Leong qu’il revient de nous le faire découvrir.
De nombreux concertos pour violon, surtout composés à l’ère romantique, posent le soliste en sorte d’incarnation d’un héros suprême qui subjugue et nous plonge dans le drame. Je pense ici aux concertos de Sibelius et de Tchaïkovski, notamment. Avec son côté pastoral indéniable, celui de Barber nous évoque plutôt les images d’un héros populaire à la Tom Sawyer, évoluant et s’adaptant au fil des aventures tout en demeurant bien ancré dans la réalité, s’il faut user d’une métaphore littéraire pour tenter de décrire ce qui se passe. Il n’est pas destiné à être spectaculaire ou supérieur, et reflète bien, à mon avis, certains idéaux démocratiques américains. Kerson Leong semble avoir bien intégré cet esprit et joue en demeurant conscient qu’il fait partie de quelque chose de plus grand que lui. Il démontre un excellent sens du phrasé, des intonations justes, et une virtuosité sans faille dans le troisième mouvement, presto in moto perpetuo, court mais fort haletant, et exigeant pour le soliste. Bravo.
La Symphonie no 2 de William Grant Still
C’est encore une découverte que cette ambitieuse symphonie de William Grant Still, compositeur afro-américain, sous-titrée « Song for a New Race« . Sur le plan de l’écriture, on peut parler d’une réussite, car l’oeuvre est habilement construite et intelligemment orchestrée. Puisant les chants gospels et le blues du début à la fin, elle est fort agréable à écouter. S’il arrive que certaines oeuvres nous semblent difficile à comprendre lors d’une première audition, ce n’est certes pas le cas ici. On est en terrain connu, et bien entendu, il est impossible de ne pas penser à Gershwin, qui a puisé au même matériel pour créer sa musique.
Nous avons aussi l’impression de traverser un passionnant cours d’histoire de la musique américaine et de ses racines profondes, avec des accents jazz, surtout aux cuivres. La lecture du chef demeure relativement sage et prudente, mais tout de même satisfaisante. Pour ce retour de l’OSM devant public, on aura eu droit à un programme inusité qui a contribué à notre culture musicale, une belle soirée symphonique (en toute sécurité!) avec un retour à la maison en fredonnant les mélodies que William Grant Still, qui nous resteront en tête des heures après le concert.
Ce concert sera aussi disponible en webdiffusion à compter du 20 avril.
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