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DOSSIER | 10 tableaux célèbres reliés à la musique classique que vous devriez connaître

Par Hye Won Cecilia Lee le 12 octobre 2019

Le violoniste vert de Chagall, parmi notre liste de tableaux célèbres reliés à la musique classique

La musique et les arts visuels sont intimement liés, car tous deux expriment des idées et des concepts sans dépendre des mots. Découvrez dix peintures célèbres et leur connotation musicale.

 

1. Fernand Khnopff : En écoutant Schumann (1883)

En écoutant Schumann de Fernand Khnopff (1883)
En écoutant Schumann de Fernand Khnopff (1883), l’un des tableaux célèbres reliés à la musique classique

Fernand Edmond Jean Marie Khnopff (1858-1921) fut l’un des plus importants chefs de file du mouvement symboliste. Dans le manifeste Le symbolisme publié dans Le Figaro en 1886, Jean Moréas affirme :

 » Dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales. »

Khnopff, qui a d’abord appartenu à l’école naturaliste, établit ici une scène en apparence réaliste, mais y insère des motifs et idées empruntés à toute l’histoire. Même dans ses séries de portraits, Khnopff ne se contente pas de la simple description picturale d’une scène – il se livre à des évocations et non à des observations.

En écoutant Schumann en est un très bon exemple : on voit en arrière-plan un personnage qui joue du piano. La main droite étendue suggère qu’il y a du son, mais nous ne savons pas si c’est le début, le milieu ou la fin de la pièce. Le pianiste, en fait, n’est même pas dans l’image, et nous ne pouvons que supposer qu’il y a quelqu’un, mais cette personne est représentée comme une abstraction.

Le visage de la femme assise dans le fauteuil nous reste aussi caché. Nous ne pouvons dire si la musique jouée est joyeuse ou triste, ni même si la femme écoute. La seule chose qui soit clairement représentée par le peintre est l’émotion à fleur de peau. Tout le reste est laissé à l’imagination de l’observateur.

 

2. Matthias Grünewald : Rétable d’Isenheim, (vers 1512-16) et Paul Hindemith : Mathis der Maler (1934)

Retable d'Isenheim
Retable d’Isenheim

Quatre siècles séparent ces deux œuvres, pourtant elles sont étroitement liées.  Grünewald (1475-1528), un homme mélancolique, vécut dans l’ouest de l’Allemagne à une époque brutale. Il dut être institutionnalisé pour maladie mentale et possession démoniaque et la majorité de ses œuvres ont été perdues. Ses rares œuvres subsistantes, remarquées pour leur description graphique de la souffrance humaine, connurent un regain de popularité au 19e siècle.

Le plus imposant de ses ouvrages, le Retable d’Isenheim, est composé de neuf scènes réparties en douze panneaux et remplies de colère et de pathos. D’autres maîtres, tels Max Ernst et Picasso, se sont inspirés de Grünewald dans leurs propres peintures. L’opéra de Hindemith (et sa symphonie) « Mathis der Maler » (« Matthias le Peintre ») a pour sujet Grünewald lui-même, et fut inspiré par le Retable d’Isenheim.

La scène la plus frappante, la Crucifixion, peut être observée lorsque les ailes extérieures du retable sont fermées (ce qui était traditionnellement le cas lors des jours ordinaires).  Le Christ est tordu de douleur, la position de ses mains et de ses pieds dénotent la lutte et une douleur extrême.

Dans ce retable, Hindemith lisait une représentation de la montée des Nazis. Il se voyait lui-même abandonner ses amis Juifs. Il se voyait environné de dangers à l’approche de la Deuxième Guerre mondiale. Et comme Grünewald (dans l’opéra), il se résolut à fuir le confort, et à exprimer la noirceur de son époque en continuant par sa musique à formuler une critique du régime nazi.

La symphonie fut achevée avant l’opéra, et chacun de ses mouvements s’inspire de scènes du retable d’Isenheim. Le premier mouvement, Engelkonzert (Concert des anges), est fondé sur la scène de la Vierge et de l’Enfant, visible seulement quand les ailes sont ouvertes.

Le deuxième mouvement, Grablegung (La mise au tombeau), provient de la scène du panneau inférieur du retable. Et le Triomphe du dernier mouvement vient de Saint Antoine, saint patron de l’ergotisme, qui confronte ses démons et entrevoit l’avenir grâce aux conseils de Saint Paul sur la troisième vue.

 

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Grunewald Isenheim

 

3. Katsushika Hokusai : La Grande Vague de Kanagawa et Claude Debussy : La Mer

The Great Wave off Kanagawa, Katsushika Hokusai
La Grande Vague devant Kanagawa de Katsushika Hokusai, reconnu comme l’un des tableaux célèbres reliés à la musique classique, en particulier associé à Debussy.

Le Japon n’a ouvert ses portes à l’Occident qu’en 1854, mais déjà avant au cours de l’ère Edo (d’environ 1600 à 1868), les biens et l’art japonais arrivaient régulièrement en Europe, grâce à la  Compagnie néerlandaise des Indes orientales (fondée en 1602).

Le Ukiyo-e est un imprimé plat sur bois, traitant de sujets allant de paysages et de personnages jusqu’à l’érotisme, et l’Occident en fut fasciné (encore de nos jours : l’exposition Hosukai au British Museum a affiché complet pour toute sa durée à l’été 2017).

À partir du 19e siècle, les imprimés ukiyo-e firent l’objet d’un commerce intense en Occident. À l’Exposition internationale de Paris en 1867, ils connurent un regain de popularité, et les Japonaiseries devinrent une tendance très courue en Europe : même Vincent Van Gogh commença une collection de ukiyo-e, et l’opéra Madama Butterfly fut créé en 1904 à La Scala.

Debussy était lui-même féru d’élégance et la richesse visuelle offerte par La Belle Époque l’influença considérablement – il fit même un dessin pour la couverture de la première édition de son Children’s Corner pour piano.

Il admirait J.M.W. Turner, et les tableaux impressionnistes lui inspirèrent des morceaux où les émotions sont évoquées sans être imposées (même s’il détestait se faire qualifier d’impressionniste). Pourtant, et paradoxalement, Debussy appréciait la simplicité évidente des imprimés japonais.

Pendant des années, il accrocha au mur de son studio une copie encadrée de La Grande Vague de Kanagawa (peint vers 1830-33). La Mer (1903-05) a beaucoup de points communs avec La Grande Vague : accent sur la stylisation (plutôt que le réalisme descriptif) et dynamisme dans l’utilisation de la couleur.

L’utilisation du développement de motifs et l’absence de structure formelle, souvent constatée dans les imprimés Edo, sont aussi des caractéristiques de La Mer – que Debussy sous-titra « Trois esquisses symphoniques » pour éviter de l’appeler « symphonie », ce qui aurait pu créer des attentes formelles exagérées. La Grande Vague servit même d’illustration pour la couverture de la première édition orchestrale de l’œuvre (1905).

 

4. Raphaël : Retable de Sainte Cécile, ou L’extase de Sainte Cécile (vers 1516-1517)

Cecilia Raphael Altarpiece, Raphael c. 1516-17
Retable de Sainte-Cécile, Raphael, vers 1516-17.

La fête de Sainte Cécile est célébrée le 22 novembre. La manière dont cette femme est devenue la sainte patronne de la musique et des musiciens a de quoi étonner. Selon la légende, Cécile était née dans une riche famille romaine du 3e siècle, et, en dépit de son vœu de virginité au Christ, ses parents décidèrent de la marier.

Ayant réussi à convertir son époux païen, elle put conserver sa virginité. Emprisonnée par les Romains, elle survécut à une première tentative de l’étouffer, et trois tentatives de décapitation ne la tuèrent pas davantage. On la laissa alors se vider de son sang et elle mourut après trois jours, non sans avoir continué de prêcher jusqu’à sa mort.

 

Cecilia Maderno, Raphael
Cecilia Maderno, Raphael

Quel est le rapport avec la musique?

Selon la légende, durant la musique païenne qui était jouée à son mariage (notamment de la musique d’orgue, instrument qu’elle tient à l’envers dans le retable), Cécile chantait dans sa tête un hymne à Jésus, une pieuse romance d’amour.

Cette romance lui valut de devenir la sainte patronne de la musique. Un des premiers témoignages de ce patronage réside dans la dédicace par le pape Sixte V à la fondation de l’Académie Sainte-Cécile de Rome en 1585.

Le tableau de Raphaël fut commandité par le cardinal Lorenzo Pucci en 1517. C’est la première fois qu’on la représente avec des instruments de musique. Ces tableaux religieux étaient très importants au 16e siècle, alors que moins d’un cinquième de la population savait lire.

La tradition orale, les récits folkloriques et les représentations visuelles occasionnelles servaient de courroie de transmission pour les gouvernements et les églises. Raphaël fut, avec Michel-Ange, un des premiers artisans de la représentation des légendes et des croyances catholiques. 

Le retable de Raphaël consolida la position de Sainte Cécile comme sainte patronne de la musique. Percy Shelley propose une description admirable du tableau dans ses Lettres d’Italie (1899) :

Le personnage central de Sainte-Cécile semble envoûté dans l’esprit du peintre; son regard profond, sombre et éloquent regarde vers le haut; sa chevelure châtaine est ramenée en arrière; elle tient un orgue – son attitude sereine dans sa passion et son envoûtement est imprégnée de la chaleur et de la lumière rayonnante de la vie. Elle entend la musique céleste, et je m’imagine qu’elle vient tout juste d’arrêter de chanter, car les quatre personnages qui l’entourent portent leur attention sur elle; particulièrement Saint Jean qui, dans un geste de tendresse passionnée, se penche vers elle avec la langueur de l’émotion. À ses pieds gisent plusieurs instruments de musique, brisés et désaccordés.

5. William Hogarth : A Rake’s Progress (1732-1735) et Igor Stravinsky : The Rake’s Progress (1951)

William Hogarth, A Rakes Progress, Plate 8, In The Madhouse
William Hogarth, A Rakes Progress, huitième tableau : La maison des fous.

Chaque époque a ses  bouffons – de jeunes personnages masculins tonitruants, séducteurs et buveurs. Encore aujourd’hui, le mot anglais rake est appliqué à ce genre de personnage (vous n’avez qu’à fouiller sur Netflix pour le constater : une émission au sujet d’un avocat sans scrupules est intitulée ainsi.)

Stravinsky a voulu lui aussi tenter sa main à l’intrigue du libertin, ce qui donna The Rake’s Progress (Le Parcours du libertin), opéra en trois actes et un épilogue (1951). Après avoir visité une exposition consacrée au peintre Hogarth à Chicago en 1947, Stravinsky entrepris la composition d’un opéra basé sur une série de huit tableaux de celui-ci, avec la collaboration de W.H. Auden et de son amant, Chester Kallman.

Par une pure coïncidence, la relation de Auden et de Kallman s’est avérée être elle-même une intrigue de libertinage – ils se rencontrèrent lors d’un séjour new-yorkais de Auden en 1939, et ils développèrent une relation que Auden considérait comme un mariage. Mais Kallman mit fin à leur relation sexuelle parce qu’il ne voulait pas s’engager dans une relation monogame avec Auden; il demeura toutefois un ami proche jusqu’à la mort de Auden.

A Rake’s Progress de Hogarth comporte huit tableaux : L’Héritier, La Digue, L’Orgie, L’Arrestation, Le Mariage, La Maison de Jeu, La Prison et le tableau final, La Maison des fous. Le penchant de Stravinsky pour les œuvres du passé (notamment l’Orfeo de Monteverdi et La Traviata de Verdi), additionné à une bonne dose de Mozart, produisent un résultat qui s’accorde superbement au style ancien des tableaux du 18e siècle de Hogarth, tout comme le livret plutôt moderniste de Auden et Kallman.

Avec cet opéra, Stravinsky a produit un chef-d’œuvre de pastiche de musique ancienne, tout en réussissant à s’exprimer d’une voix unique.

 

6. Marc Chagall : Le Violoniste vert (1912-1919)

The Fiddler, Chagall 1913
Le Violoniste vert, Chagall, 1913, parmi les plus connus des tableaux célèbres reliés à la musique classique

L’intérêt de Chagall pour Bach et Mozart est bien connu, et ses collaborations en musique classique sont légendaires : il créa les décors et les costumes de L’Oiseau de Feu (Stravinsky) pour le New York City Ballet (les costumes sont encore utilisés, 68 ans plus tard), les costumes du ballet Daphnis et Chloé de Ravel pour l’Opéra de Paris en 1959,  le tableau du plafond de l’Opéra Garnier à Paris et les fameux panneaux du Metropolitan Opera au Lincoln Center : la liste est infinie.

L’un des motifs d’inspiration musicale préférés de Chagall est celui du violoneux errant. Chagall provenait d’une petite communauté juive hassidique près de Vitebsk (Belarus) et le violon, si important en musique klezmer, l’intéressa dès le plus jeune âge. Le fait d’avoir vécu les effets de la diaspora juive des deux guerres mondiales l’ont amené à s’identifier à ce violoneux errant, se déplaçant de village en village, sans repos.

Durant sa vie, Chagall incorpora l’image du violoneux errant dans plusieurs de ses œuvres, souvent comme un petit personnage accessoire, et le plus fameux de ces tableaux, Le Violoniste vert de 1912-1919, au musée Stedelikj d’Amsterdam, est considéré comme l’inspiration directe de l’opérette Fiddler on the Roof.

Salomé

Une série d’illustrations mordantes, une affiche art-déco magistrale et deux peintures de Klimt d’une décadence outrée : Salomé est un sujet inépuisable qui fascina plusieurs artistes, écrivains, comédiens et musiciens dans la Vienne de fin de siècle.

7. Oscar Wilde/Aubrey Vincent Beardsley : Salomé (1894)

Aubrey Beardsley, The Climax
Aubrey Beardsley, The Climax

À la fin du 19e siècle, tous les milieux artistiques d’Europe occidentale étaient épris de symbolisme. Les artistes se mirent à explorer la mythologie, les récits bibliques et le monde exotique et sauvage, afin d’y puiser de l’inspiration pour écrire, peindre ou composer.

L’histoire érotique et violente du roi Hérode et de son épouse Hérodiade, de leur fille séduisante Salomé (qu’Hérode désirait), et de l’engagement personnel de cette dernière à obtenir la mort de Jean le Baptiste, offre un potentiel si riche que tout le monde semblait vouloir s’en servir.

Wilde a écrit sa pièce Salomé d’abord en français en 1893 et l’a traduite en anglais en 1894. La première édition anglaise a bénéficié des illustrations d’un jeune artiste fougueux et incroyablement doué, Aubrey Beardsley. Le succès fut instantané, à la fois pour la pièce et pour les illustrations.

 

8. Ludwig Hohlwein : Affiche Art Déco pour la Semaine Richard Strauss (1910)

Affiche de festival Richard Strauss Woche, 1910 par Ludwig Hohlwein
Affiche du festival Richard Strauss Woche (Semaine Richard Strauss), 1910 par Ludwig Hohlwein

Richard Strauss assista à une représentation berlinoise de la Salomé de Wilde en novembre 1902. Il commanda aussitôt une traduction allemande de la pièce, dont il commença la transformation en un opéra quelque peu salace à l’été 1903 pour en faire la création en 1905. Durant ses deux premières années, l’opéra fut représenté dans plus de 50 maisons d’opéra – un succès foudroyant. La photo ci-dessus montre une très belle affiche Art Déco de Ludwig Hohlwein.

 

9. Gustav Klimt : Judith/Salome I (1901) 

Gustav Klimt, Judith/Salome, 1901
Gustav Klimt, Judith/Salome, 1901, parmi les tableaux célèbres reliés à la musique classique

Dans l’Ancien Testament, Judith est une veuve qui décapite le général assyrien débauché Holopherne, et elle a été longtemps un sujet artistique populaire. Mais la représentation sensuelle qu’en fit Klimt choqua le public, avec son expression faciale de jouissance, sa poitrine dénudée et des dorures un peu partout. Judith n’est plus la douce et tranquille, mais courageuse, femme juive qui sert Dieu – elle devient une véritable femme fatale.

Pour ajouter à l’ambiguïté, Klimt choisit de lui donner un double nom – Judith/Salomé.  Le public viennois décida que le tableau ne représentait pas du tout Judith, mais uniquement Salomé – une meurtrière à l’appétit érotique débridé, une femme fatale vampirique.

 

10. Gustav Klimt : Judith/Salome II (1909)

Judith II, Gustav Klimt
Judith II, de Gustav Klimt, fait partie des tableaux célèbres reliés à la musique classique.

Klimt décide en 1909 de reprendre le sujet de Judith. Cette Judith, utilisant une gamme de couleurs légèrement effacée par rapport à la version 1901, n’épargne pas aux spectateurs sa sexualité ni sa force.

D’ailleurs, le fait de tenir la tête coupée par les cheveux (plus de plat d’argent) accentue la violence du tableau, et le haut dénudé de son corps semble jaillir de l’obscurité qui dissimule la mort – le public continua donc de nommer le tableau « Judith/Salomé » de Klimt simplement « Salomé », et depuis lors, ces deux tableaux et la Salomé de Strauss, sont devenus inséparables pour nous.

Cet article est une traduction et une adaptation légèrement raccourcie d’un article paru d’abord en anglais sur Ludwig van Toronto, rédigé par Hye Won Cecilia Lee. Traduction de François Juteau, révisée par Béatrice Cadrin. 

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