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ENTRETIEN | L'histoire de Sara Davis Buechner, pianiste, nippophile et transgenre

Par Caroline Rodgers le 29 juillet 2018

Sara Davis Buechner — L’événement Buechner : histoires sans paroles
La pianiste Sara Davis Buechner. (Photo: courtoisie d’Orford Musique)

Sara Davis Buecher est une personne fascinante à plusieurs égards. Non seulement joue-t-elle formidablement du piano, mais c’est aussi une passionnée du Japon, pays qui sera le thème de son récital d’aujourd’hui, à Orford Musique. Un programme hautement original en compagnie d’une artiste mime japonaise. De plus, Sara s’appelait auparavant David.

Dans la trentaine, Sara, qui s’était bâti une solide carrière de pianiste sous le nom de David Buechner, décide de s’assumer comme femme.

Mais parlons d’abord de musique, car c’est comme musicienne qu’elle se définit en premier lieu et c’est comme pianiste que le public aura le plaisir de la découvrir cet après-midi à Orford dans le cadre du concert « Histoires sans paroles », dédié aux compositeurs japonais et accompagné de l’artiste mime Yayoi Hirano, qui se produira sur scène pendant une partie du récital.

« J’ai toujours été intéressée au Japon, dans ma vie. La personne qui partage ma vie est d’origine japonaise et j’ai passé pas mal de temps là-bas. Nous avons une petite maison au Japon. J’ai le sentiment d’avoir deux vies, une ici, et une au Japon. J’ai connu plusieurs musiciens et compositeurs japonais et réalisé qu’il y a une grande variété d’expression artistique dans ce pays. Je crois que les Américains et les Canadiens ne connaissent pas bien cette culture. J’ai donc monté ce programme l’an dernier et je l’ai joué à New York, à Carnegie Hall, à l’occasion d’une fête soulignant le fait que je joue sur un piano Yamaha depuis trente ans, maintenant. Le récital a reçu une très bonne critique dans le New York Times et j’ai décidé de le refaire à d’autres endroits. Wonny Song, le directeur artistique d’Orford Musique, m’a appris que le thème du Festival, cette année, était le Japon, et il m’a invitée. »

 

 

 

Le programme comprend des oeuvres de trois compositeurs japonais et Histoires pour piano, de Jacques Ibert. Le répertoire japonais comprend des oeuvres assez récentes, soit les Dix études de Yukiko Nishimura (née en 1967), les Variations sur un thème de Poulenc, de Kouji Taku, et la Sonate pour piano de Yoshinao Nakada.

« Yayoi Hirano va danser sur les Histoires, d’Ibert, dans le style kabuki, avec un masque nô qu’elle a fait elle-même. On peut vraiment entendre, dans ce programme, à quel point ces compositeurs japonais ont été influencés par les grands compositeurs français comme Ravel ou Debussy. Toutes les pièces japonaises sont du vingtième siècle. J’ai moi-même commandé les Dix études à Yukiko Nishimura, qui a étudié à New York et qui écrit dans un style très intéressant intégrant des éléments de jazz et de populaire. Les études sont faites pour montrer l’éventail de mes capacités au piano et sont donc des pièces assez virtuoses. Les Variations sur un thème de Poulenc, de Taku, sont basées sur les Mouvements perpétuels. La plus grande pièce est la Sonate pour piano de Nakada. C’est une pièce contre la guerre. Il l’a écrite après la Seconde Guerre mondiale, qui a été une expérience assez traumatisante pour lui. Il a reçu son entraînement de pilote et devait être un kamikaze, mais la guerre a pris fin avant qu’il soit envoyé en mission. Il n’a donc pas été tué, mais il a bien connu l’entraînement et la mentalité de folie guerrière de cette époque. La pièce exprime notamment la colère. C’est une des grandes pièces du répertoire japonais pour piano. »

 

Être transgenre dans le monde classique

Après une bonne conversation sur la musique et le Japon, je demande à Sara si elle accepterait de nous parler de son expérience comme transgenre et l’influence que cela a eu sur sa carrière.

« Je ne peux pas me permettre de ne pas en parler, dit-elle, car je sais qu’une foule de personnes transgenres ont une vie très difficile. Le fait de voir quelqu’un comme moi, qui est professeure et pianiste de concert, et qui ne souffre pas du tout, en fait, peut être encourageant. Je pense que c’est mon devoir d’être une personne positive et inspirante. Je ne me lasse pas d’en parler, mais j’apprécie que vous m’ayez parlé de musique en premier, parce que la musique est la chose importante. Quand je vais sur scène, je suis juste moi-même. Je sais toutefois que mon histoire est  intéressante en ces temps qui changent, et c’est encore plus important d’être ouvert à ce sujet aux États-Unis. »

Sara a commencé le piano vers l’âge de trois ans, dans sa ville natale de Baltimore.

« On ne choisit pas de devenir pianiste. Je crois que le piano nous choisit. Ma mère avait remarqué que j’étais intéressée quand de la musique classique jouait à la radio. Elle a appelé un professeur de piano et ça a été le coup de foudre. J’ai fait mes débuts à New York en 1964 et j’ai donné énormément de concerts à partir de là. Une grande partie de ma carrière s’est déroulée aux États-Unis, mais aussi en Asie: Japon, Chine, la Thaïlande et les Philippines. Je n’ai pas joué beaucoup en Europe. »

Après s’être distinguée dans plusieurs concours internationaux, elle menait une belle carrière. Cependant, lorsqu’elle a décidé de faire son « coming out », l’impact sur sa vie professionnelle a été majeur.

Sur son site internet, elle écrit:

« Il est vite devenu évident que je devrais rebâtir ma carrière, sans le soutien de ce que j’avais déjà bâti en tant que David Buechner. Les chefs d’orchestre qui m’invitaient régulièrement ont arrêté de retourner mes appels, des offres de postes prestigieux en enseignement ont été retirées, et des opportunités de concerts se sont évanouies »

« Ça a été une phase très difficile de ma vie, dit-elle. À un moment, j’ai même pensé que je devais abandonner la musique, car je ne pouvais plus gagner ma vie. Une offre pour enseigner à l’Université de Colombie-Britannique est arrivée juste à point, et j’ai déménagé au Canada, où j’ai enfin recommencé à recevoir de nouveau des invitations à jouer. C’est une bonne histoire à raconter, car tant qu’on n’a pas vécu ce qu’est la discrimination, on ne peut pas s’imaginer que ça peut nous arriver. C’est une expérience qui m’a permis de mieux comprendre la nature humaine, sous son meilleur jour et sous ses pires aspects. J’ai tout vu! »

L’une de ses pires anecdotes est celle d’un concert qu’elle devait donner en Floride, et qui était à son agenda depuis longtemps.

 

« Mon agent m’a téléphoné et il m’a dit: ‘Sara, ce concert en Floride…ils disent qu’ils vont te payer quand même, ils vont respecter leur contrat, mais ils ne veulent pas que tu ailles jouer. » Ils me payaient pour ne pas me présenter! » – Sara Davis Buechner

 

D’un autre côté, d’autres personnes l’ont toujours soutenue et sont restées auprès d’elle.

« J’ai toujours eu espoir qu’à long terme, les choses finiraient par s’arranger. »

Après treize années à Vancouver, elle est maintenant de retour aux États-Unis et vit et enseigne à Philadelphie.

« Je suis revenue trois mois avant l’élection de Mr. Trump. Quel mauvais timing! (rires). »

La pianiste sera également à Orford pour enseigner pendant deux semaines.

« J’adore Orford, c’est tellement un bel endroit. C’est un lieu idéal pour faire de la musique. »

 

Sara Davis Buechner, 29 juillet, 16 h, salle Gilles-Lefebvre, Orford Musique 

 

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