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CRITIQUE | Sonatas & Nocturnes, Michel Bettez et Jeanne Amièle: le basson élégant de Marx à Schreck

Par Frédéric Cardin le 20 novembre 2017

Sonatas & Nocturnes, par Michel Bettez et Jeanne Amièle
Sonatas & Nocturnes, par Michel Bettez et Jeanne Amièle

Le bassoniste Michel Bettez poursuit inlassablement son entreprise de démocratisation du basson, un instrument encore méconnu du grand public (surtout en tant que soliste). Son album Sonatas & Nocturnes, en duo avec la pianiste Jeanne Amièle, jette une lumière bienveillante sur la musique de chambre pour basson du 19e siècle.

Bettez est un esthète raffiné de son instrument, lequel peut donner l’impression d’être ingrat, mais ce n’est là que préjugé. Le basson est capable d’habiles arabesques et de surprenante légèreté.

Imaginez un type en apparence pataud, mais qui une fois ses patins chaussés prend des allures d’Elvis Stoiko.

Bettez le conteur

Le répertoire uniforme pris dans son ensemble de plus d’une heure ne tarit cependant pas la joliesse des mélodies et l’élégance assurée des constructions.

Le talent de raconteur de Bettez, ainsi que la présence pianistique attentionnée de Jeanne Amièle font de Sonatas & Nocturnes un solide programme de petits plaisirs à découvrir de manière généreuse.

Le principal problème du basson est le lot de préjugés qui l’entoure. Peu de grands compositeurs lui ont accordés leurs grâces. Surtout pas les Romantiques. Exception faite de Vivaldi (avec 39!) et Mozart (un seul, et pas aussi souverainement divin que ses concertos pour flûte et harpe, cors ou encore piano bien entendu), point de concerto digne de ce nom de Haydn, Beethoven, Brahms, Schumann, Mendelssohn, etc.

Un tour de chambre en basson

Bettez nous fait donc faire un tour du propriétaire d’une certaine musique de chambre germanique du 19e siècle avec 3 pièces éparses (2 Nocturnes et un Adagio) et surtout 3 fort belles sonates pour basson et piano, toutes écrites quelque part entre 1800 et 1900, mais pour la plupart de compositeurs méconnus.

Le Nocturne d’Ignaz Lachner est teinté d’une élégante mélancolie. L’Adagio de Louis Spohr sonne comme un lied sans parole, alors que le Notturno op.9 no 4 de Julius Weissenborn a un côté rêveur et introspectif franchement agréable.

Trois sonates, de Marx à Schreck

Des trois sonates offertes sur l’album, celle de Josef Matern Marx (j’ignorais l’existence de ce compositeur avant de lire le livret. Merci Michel Bettez pour cette découverte!) est la plus étoffée avec ses 21 minutes de durée. Et à lui seul, le premier mouvement fait 13 minutes. Je redoutais des longueurs inhérentes à un exercice académique typique d’un compositeur provincial comme il y en avait tant à cette époque.

Pourtant non. Marx avait manifestement un talent efficace pour la création d’idées musicales intéressantes. Dans le premier mouvement, les lignes s’enchaînent avec aisance, dans un processus de transformations et de rappels passablement fluide. Le deuxième mouvement est empreint de tendresse alors que le 3e est un rondeau souriant, alerte et espiègle qui correspond bien à l’idée que l’on se fait de ce genre de personnalité associée au basson.

Le fait qu’il soit mort à 43 ans à une époque qui correspond de nos jours à l’âge d’or des Beethoven, Schubert, Mendelssohn et cie, explique probablement en partie la totale obscurité dans laquelle Marx est retenu de nos jours. C’est dommage.

La Sonate du Néerlandais Johannes Meinardus Coenen proclame un caractère affirmé presque péremptoire dès ses premières mesures. Curieusement, son 3e mouvement est comme une reprise du premier (pas tout à fait, mais extrêmement semblable en caractère), avec une tonalité en do majeur plutôt qu’en do mineur. La musique a beau être d’approche agréable, la redite trahit peut-être un manque d’inspiration?

La dernière des trois sonates est celle d’un certain Gustav Schreck (qui n’a strictement rien à voir avec le cabotin personnage vert de Disney), qui fut entre autre un successeur lointain de Bach à la direction de Saint-Thomas de Leipzig. C’est grâce à lui, notamment, que le Thomanerchor a atteint la notoriété lui ayant valu le respect qu’il impose à tous de nos jours.

Cette sonate a été écrite comme un exercice de style, mais la qualité de son écriture l’élève sans aucun doute au-dessus de la norme de ce genre de compositions.

L’enregistrement réalisé au Conservatoire de Montréal, bien que bénéficiant d’une agréable netteté, est un peu réverbérant à mon goût. On se sent un tantinet éloigné de la scène. Une captation plus intime aurait mieux rendu compte de la chaleur et du velours incomparable de cet instrument, qui plus est si admirablement maîtrisé par Michel Bettez, assurément l’un des meilleurs solistes canadiens en ce moment.

***

Michel Bettez est un infatigable ambassadeur du basson. Voici des extraits d’une œuvre amusante de Maxime Goulet, créée par lui et l’Orchestre symphonique de Laval, et dans laquelle le soliste ne doit pas, disons, e prendre trop au sérieux…

 

 

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