
Après deux années successives de représentations du Messie, l’Orchestre Métropolitain variait cette année le répertoire de son concert de Noël « sérieux » à la Basilique Notre-Dame en présentant « l’autre » grande œuvre pour solistes, chœur et orchestre associée au temps des Fêtes, l’Oratorio de Noël de J. S. Bach. Les six cantates pour le temps de Noël rassemblées sous ce titre étaient interprétées le 17 décembre dernier par le Chœur Métropolitain comptant 40 voix et l’Orchestre Métropolitain réduit à 44 instrumentistes dirigés par Yannick Nézet-Séguin. Trois des solistes entendus l’an dernier revenaient à cette occasion, soit Anna-Sophie Neher, Frédéric Antoun et Geoffroy Salvas, tandis que Julie Boulianne succédait à Emily d’Angelo à la partie d’alto.
La soirée a offert plusieurs moments d’une grande réussite, en particulier lors des mouvements dynamiques et rapides tels que « Herrscher des Himmels » de la troisième cantate : le chœur, qui a fait la preuve tout le long de l’œuvre l’excellent travail de préparation accompli par sa nouvelle chef assignée Julie Dufresne, y a été exemplaire, rebondissant sur les h aspirés pour porter l’entrain de la musique. De même, les nombreux chorals étaient sculptés avec intelligence et finesse par le chef et exécutés avec les mêmes qualités par le chœur.
Par la nature de leur construction musicale, les chorals ne souffraient pas de la même faiblesse que les numéros construits sur une basse continue. Jouer une ligne de basse continue fait appel à une spécialisation différente que de jouer du violoncelle ou de la contrebasse dans un orchestre symphonique. Le plus gros point empêchant certains numéros de prendre leur envol était le manque de souplesse dans l’exécution du continuo « mélodique » (j’exclus par là les deux instruments à clavier, le clavecin joué par Dorothéa Ventura et le positif joué par Christophe Gauthier, tous deux interprètes accompli·e·s de musique baroque). Par exemple, il aurait fallu alléger beaucoup plus les suites de doubles croches enchaînées et relâcher les fins de liaisons d’archet. Généralement, il se dégage d’une ligne de basse continue exécutée par des cordistes spécialistes de la chose une conscience des mouvements harmoniques et une connexion avec les parties supérieures qui manquaient mercredi soir.
En revanche, les cordes se méritent des félicitations pour la douceur, en nuance mais également en texture, des accords parfaitement équilibrés soutenus avec délicatesse dans les récitatifs accompagnés, fournissant juste ce qu’il fallait de « halo » sonore.
Au sujet des solistes, je maintiens la réserve déjà exprimée l’an dernier : il ne s’agit pas du type de voix que je privilégie personnellement pour un oratorio. Bien que je comprenne le besoin de recruter des voix puissantes pour remplir le vaste espace de la Basilique, je souhaiterais les entendre moduler l’usage du vibrato avec plus de finesse. Cela étant dit, ils et elles ont par ailleurs été à la hauteur. Dans l’air « Flösst mein Heiland », Anna-Sophie Neher et Marie Magistry, cette dernière placée dans la première tribune côté jardin, se sont parfaitement passé les motifs en échos. L’idée de reproduire cette configuration en installant un hautbois supplémentaire dans la tribune côté cour était également du meilleur effet.
Je me réjouissais d’entendre Julie Boulianne dans les magnifiques airs confiés à l’alto, comme « Schlafe, mein Liebster » ou « Schließe, mein Herze ». Au final, sa voix est plus sombre que dans mon souvenir (lointain, je dois avouer), du moins dans l’acoustique de la Basilique. Frédéric Antoun, pour sa part, était plus à l’aise que l’an dernier et a démontré plus de souplesse dans les changements de registres. Sa conception de l’Évangéliste est par moment trop dramatique, par opposition à une fonction narrative plus « liturgique », pour ainsi dire. Geoffroy Salvas surpassait tous·tes ses collègues par la clarté de sa diction. Son approche musicale témoignait également d’une meilleure compréhension globale de son rôle dans l’ensemble de l’œuvre.
Comme toujours, le trompettiste Antoine Mailloux a été épatant, d’abord dans l’air « Großer Herr » de la première cantate, bien sûr, mais encore plus dans le tout dernier numéro de la longue soirée, le choral orné « Nun seid ihr doch gerochen ». Il posait ainsi un point final éclatant à une soirée comportant des ingrédients très réussis, mais dont l’impression globale s’est trouvée diminuée par la moins grande familiarité des interprètes avec l’œuvre. Cela explique probablement la direction assez interventionniste du chef dans cette musique qui pourrait se contenter de moins.
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