
Les personnes ayant fait l’expérience d’un séjour prolongé à l’étranger le savent : paradoxalement, cette distance avec nos racines a souvent pour effet d’éveiller un nouvel élan de curiosité envers celles-ci. Dans le cas de la flûtiste d’origine japonaise Yuki Isami, établie à Montréal depuis 25 ans, cet élan l’a poussée à explorer la riche histoire musicale de son pays sur son instrument, mais également en se lançant dans l’apprentissage du koto et du shamisen. Elle partage ses découvertes dans le concert Rives, en tournée dans les maisons de la culture jusqu’en septembre 2026.
« Quand on sort de notre pays d’origine, on voit la richesse de notre culture d’un œil extérieur, » confirme-t-elle en entrevue. « Le programme du concert Rives me tient à cœur parce qu’il me représente moi-même. J’y ai mis toutes mes capacités, toutes mes expériences. J’ai passé maintenant un peu plus de la moitié de ma vie à Montréal, mais je me sens toujours entre les deux cultures, la japonaise et la québécoise. »
Importance des maisons de la culture
« C’était mon rêve de jouer dans les maisons de la culture, » avoue la musicienne. « J’y ai assisté à beaucoup de concerts, maintenant c’est mon tour d’y présenter la musique que je connais et que j’aime. »
Elle s’est efforcée de concevoir un programme accessible qui soit attirant pour toutes les générations. Le costume traditionnel japonais qu’elle revêt pour la première partie de la présentation charme les regards par ses couleurs chatoyantes et son élégance intrigante. « La première fois que j’ai présenté ce concert, il y avait dans le public une grand-mère venue avec sa petite-fille de quatre ans. Elles sont venues parce qu’elles venaient de découvrir le Japon à travers le personnage de Hello Kitty! » Depuis, le succès de Rives ne se dément pas : la représentation à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal fin novembre a fait salle comble!
Rives
Le programme de Rives suit l’évolution de la musique japonaise, de sa forme traditionnelle aux différentes façons dont certains compositeurs l’ont incluse dans leurs créations. Il y a eu Debussy pour qui, fameusement, les musiques du continent asiatique ont été une révélation lorsqu’il les a découvertes à l’occasion des expositions universelles de Paris au tournant du XXe siècle. Inversement, Makoto Shinohara, Toru Takemitsu et Reiko Yamada sont des compositeurs ayant étudié en Europe qui ont intégré la musique de leur pays dans leur langage compositionnel occidental.
Les complices de Yuki Isami pour ce programme sont Natsuki Hiratsuka au piano et Patrick Graham ou Corinne René aux percussions. Hiratsuka et Graham sont également de la partie sur l’album du même nom, enregistré à la Salle Pollack. La magie de l’enregistrement permet à Isami d’y jouer non seulement de la flûte et du shinobue (flûte traditonnelle japonaise en bambou), mais également d’enrichir certaines œuvres d’accompagnements supplémentaires au koto et au shamisen. L’apprentissage de ces instruments traditionnels, entrepris en 2008, la pousse à retourner au Japon environ deux fois par année pour revoir ses professeurs.
Musique japonaise
La musique folklorique japonaise est ancrée dans les activités de la vie quotidienne : il y a des chants pour accompagner le travail dans les champs de riz, des chants pour les tâches ménagères, des chants d’enfants que les plus grands chantent aux plus jeunes qu’ils ont la tâche de surveiller.
Chez les parents de Yuki Isami, c’était plutôt le karaoke et la musique pop japonaise des années 70 qui régnait. Cet héritage-là, c’est en tant que membre du band rock psychédélique japonais TEKE::TEKE qu’elle l’exprime. Vraiment, Yuki Isami ne se laisse pas arrêter par les frontières, qu’elles soient entre les genres ou entre les pays!
Arrivée au Québec
En tant que jeune étudiante, Yuki Isami caressait deux rêves : celui d’apprendre à parler plusieurs langues, et celui de vivre à l’extérieur du Japon. Le concept d’une ville bilingue comme Montréal était pour elle inimaginable.
Son envie de faire un séjour ici a été attisé par sa rencontre avec le premier flûtiste de l’Orchestre symphonique de Montréal, Timothy Hutchins, lors de la tournée de l’orchestre au Japon en 1999. Son sort s’en est trouvé pour ainsi dire scellé.
C’est à la recommandation de Claire Marchand, sa professeure au (défunt) Conservatoire de McGill, que Yuki Isami a auditionné au Conservatoire de musique de Montréal pour poursuivre ses études auprès de Marie-Andrée Benny. « Ça a été un choc culturel! », raconte-t-elle. « Au Japon, la formation instrumentale met beaucoup l’accent sur la technique. Avec Marie-Andrée, j’entendais parler de la qualité du son, des couleurs de son, de musicalité, de l’histoire des compositeurs… »
Le séjour d’études qui ne devait durer que trois mois s’est transformé en une carrière florissante et variée en solo, en musique de chambre et en orchestre (en tant que deuxième flûte et piccolo titulaire de l’Orchestre symphonique de Drummondville et de l’Orchestre symphonique de Saguenay). Yuki Isami est comblée :
« La vie est bien faite : elle m’a donné la chance de faire ce que j’avais envie de faire. Quand je joue la musique traditionnelle de mon pays, je me sens enracinée par le son de cette musique. Avec TEKE::TEKE et le rock, je me sens très connectée au public, la réaction est plus directe. Et avec Rives, c’est entre les deux : c’est un programme qui permet de démocratiser la musique, de montrer que c’est pour tout le monde. Le son est fait pour être partagé! »
Dates
Il reste plusieurs dates pour voir le concert Rives, présenté grâce au programme CAM en tournée, dans les maisons de la culture du Grand Montréal, en Estrie, à Chicoutimi et à Toronto.
18 janvier à 15h – Maison de la culture Pointe-Claire, Pointe-Claire
20 janvier à 17h30 – Conservatoire de Chicoutimi (Carte blanche à Yuki Isami avec l’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean),Chicoutimi
29 janvier à 20h – Théâtre Gilles-Vigneault, Saint-Jérôme
5 février à 19h30 – Maison de la culture Maisonneuve, Montréal
8 février à 11h – Maison de la culture Dorval, Montréal
13 février à 19h30 – Le Vaisseau d’Art, Farnham
21 février à 20h – Alliance Française de Toronto, Toronto
28 mars à 14h – Maison de la culture Marie-Uguay, Montréal
4 avril à 19h – Victoria Hall, Westmount
12 avril à 11h – Centre culturel Marie-Fitzbach, Ville de Saint-Georges
7 mai à 20h – Maison de la culture Waterloo, Waterloo
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