
Il y a des comptes rendus de concert qui font plaisir à écrire. C’est le cas de celui-ci, au sujet du très bon concert de samedi dernier donné par l’Orchestre du Conservatoire de musique de Montréal et d’un chœur de 170 voix, formé des forces combinées du Chœur du Conservatoire, des Petits Chanteurs de Laval, des Voix Boréales et du Chœur des jeunes de Laval. Sous la direction adroite de Jean-Marie Zeitouni, l’orchestre a fait entendre Le tombeau de Nelligan de Jacques Hétu et les Variations Enigma d’Elgar en première partie, tandis que la deuxième partie s’est ouverte par l’exécution par le chœur seul de deux des Quatre motets de Duruflé, pour être couronnée par une excellente prestation du Gloria de Poulenc.
Gloria de Poulenc
J’étais restée avec un arrière-goût de déception et une attitude méfiante envers le Gloria de Poulenc depuis la lecture « hollywoodienne » et grandiloquente qu’en avait donné Yannick Nézet-Séguin avec l’OM en février 2024. Il est vrai que les lignes de l’écriture de Poulenc peuvent facilement inviter une telle approche, alors qu’elles doivent au contraire être abordées avec retenue et concentration. Jean-Marie Zeitouni en a présenté une vision épurée, évitant les excès caricaturaux, qui a réussi à me réconcilier avec l’œuvre. Les effectifs sous sa direction l’ont suivi avec souplesse et confiance. La première mention revient à l’excellent chœur : préparé par Philippe Ostiguy, l’ensemble était uni et solide, navigant sans hésitation des sauts d’intervalles peu commodes ou livrant un unisson massif saisissant (début du « Qui sedes »). La très bonne exécution des deux motets a cappella de Duruflé (« Tatum ergo » et « Ubi caritas ») avait d’ailleurs annoncé toutes ces qualités.
La soprano Natasha Henry, qui a gradué récemment de l’institution avec une distinction du jury, a fait la démonstration dans les solos des troisième, cinquième et sixième mouvements des qualités qui ont rapidement fait d’elle un nom à suivre. Son timbre rond était soutenu par une projection souple et bien assise, permettant à la voix de se dégager en tout temps des sonorités de l’orchestre. Elle a maîtrisé toutes ses entrées avec expertise et confiance, même celles dans des registres embêtants. Nul doute qu’avec l’expérience, elle trouvera dans une connexion accrue avec le chœur le moyen de soutenir l’élan d’une courte intervention à une autre dans le « Domine Deus ». Son dernier Amen délicatement sculpté est venu porter la touche concluante idéale à une finale parfaitement dosée.
L’orchestre
Dans un contexte où les grands ensembles des institutions d’enseignement de la musique vivent des hauts et des bas, il était réjouissant de voir et d’entendre un orchestre de cette grosseur et de ce niveau sur la scène de la Maison symphonique. Il est évident qu’un lien de confiance solide s’est développé entre le chef et les instrumentistes, se manifestant d’un côté par une direction combinant souplesse et exigence bienveillante et de l’autre par un jeu à la fois généreux et dégagé.
Tout le long du concert, l’orchestre a fait preuve de la même préparation soigneuse et de la même attention portée aux fondements du jeu en orchestre. Si le résultat variait à l’occasion, ce n’était jamais par négligence ou par superficialité d’approche : il ne s’agissait que des aléas liés à la nature des ensembles étudiants, où des recrues de niveaux variés sont appelées à jouer ensemble. Les rotations de chaises, chez les bois, n’aidaient certainement pas à y retrouver la même unité que chez les cordes, et l’enthousiasme des cuivres occasionnait parfois des débalancements dans l’équilibre des parties.
Le répertoire permettait à des membres individuels de se démarquer lors de passages solos : mentionnons spécialement Fléchelle Lépine, alto solo, Levon Markosyan, violoncelle solo, et Éliott Tremblay, clarinettiste solo dans Elgar.
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