
Qu’évoquent pour vous les termes No Hay Banda? Les amateurs de cinéma penseront à la scène centrale du film Mulholland Drive du légendaire réalisateur David Lynch, une scène déstabilisante jouant avec les codes établis pour remettre en question notre perception de la réalité. Dans le milieu montréalais de la musique de création, No Hay Banda fait plutôt référence à un ensemble à géométrie variable, fondé en 2016 par le percussionniste Noam Bierstone, la violoniste Geneviève Liboiron et le pianiste et ondiste Daniel Añez. Nommé en référence à la fameuse scène de David Lynch, No Hay Banda fait honneur à son mentor spirituel en se spécialisant dans les spectacles déstabilisants et dans la remise en question des codes établis, poussant le public à questionner son rapport avec la réalité.
Ces jours-ci, ce sont Bierstone, Liboiron et Añez eux-mêmes qui mettent en doute la réalité de ce qui leur arrive : en effet, la très réputée et très établie Fondation Ernst von Siemens, sise en Suisse, annonçait récemment que le groupe était l’un des deux récipiendaires des prix de la catégorie Ensembles qu’elle accorde annuellement. Cette distinction prend la forme très convoitée et très salutaire d’un montant de 75 000 €, soit environ 120 000 $ CAN.
Nous avons réussi à arracher quelques moments à Geneviève Liboiron pour discuter de la signification de ce prix pour les projets du groupe. Ici aussi, confrontation de réalités multiples : même si en tant qu’artiste comblée et reconnaissante, elle ne demande pas mieux que de parler de l’effet stimulant de cette distinction internationale, sa réalité de mère soignant un nourrisson enrhumé et grognon nous a poussées à opter pour un échange par écrit. Heureusement, la musicienne manie les mots aussi bien que les notes : à preuve, ce récit à la fois touchant et humoristique qu’elle faisait dans La Presse des épreuves vécues à la naissance de son fils.

LVM : Parlez-nous du groupe No Hay Banda et des projets marquants de son histoire.
GL : No Hay Banda s’est officiellement formé en 2016, des joyeux lurons Noam Bierstone, Daniel Añez Garcia et moi-même, suite à notre rencontre lors des séances de musique nouvelle au Domaine Forget : l’an prochain marquera donc notre 10e anniversaire! On aime bien dire à la blague qu’on s’est rencontrés au camp musical, mais en réalité c’est pas mal ça. Notre premier concert était un 31 octobre, on avait programmé l’oeuvre Rondo de Georgy Dorokhov. Georgy est malheureusement décédé peu de temps après, mais sa musique va toujours résonner avec nous. Au fil du temps on a fait d’extrêmement belles rencontres à travers notre programmation : Steven Kazuo Takasugi, Elena Rykova, Mauricio Pauly – je suis à l’aise de les appeler mes amis, ils occupent une place précieuse dans mon cœur et dans ma carrière et ils ont tous les trois redéfini ma manière d’interpréter, pour des raisons toutes aussi nobles que différentes. D’autres moments que j’affectionne : à l’automne 2017, No Hay Banda a été l’ensemble en résidence pour la classe de composition de Chaya Czernowin à l’université Harvard et tout dernièrement, nous avons clôturé le festival Time : Spans à NYC et avons fait deux apparitions aux classes d’été de Darmstadt.
LVM : Que représente pour vous cette reconnaissance à l’international?
GL : C’est tout d’abord un honneur immense que de recevoir cette reconnaissance! On connait la fondation Ernst von Siemens depuis un petit bout, car ils ont financé en partie la création de « Il teatro rosso » de Takasugi. On a reçu de beaux messages venant des quatre coins du globe – bon je mens, personne ne nous a écrit depuis les deux pôles, mais on a été extrêmement touchés d’apprendre que les gens s’intéressent à ce qu’on fait de l’autre côté de l’océan. On sait par exemple qu’on s’envolera pour Munich et Varsovie en 2026, mais on a encore beaucoup de contacts et de liens à confirmer pour la suite. On est aussi officiellement le premier ensemble canadien à recevoir ce prix, je pense qu’on peut être fiers!
No Hay Banda est le groupe de musique nouvelle par excellence pour un authentique travail de collaboration. Chaque musicien·ne est en possession d’une virtuosité brillante comme improvisateur et comme interprète, aucun ne se laisse intimider par les demandes les plus excentriques au niveau de l’expression théâtrale, tout en exécutant les tâches les plu exigeantes sur leur instrument. – Steven Kazuo Tagasuki
LVM : Quelles portes vous ouvre ce prix, à quoi allez-vous l’utiliser?
GL : Honnêtement, je vais sortir la phrase la plus politicienne EVER : il y a beaucoup de possibilités sur la table en ce moment, mais on va faire des choix qui feront profiter toute la « pas de bande ». Fin. On s’en servira aussi pour des projets qui nous tiennent à cœur, par exemple on termine présentement une résidence artistique avec la compositrice colombienne Ana Maria Romano, on a également des projets avec la harpiste/compositrice Sarah Pagé et avec le compositeur Sam Salem. On a aussi pensé faire un don à la STM ou payer nos médecins de famille pour qu’ils ne quittent pas la province, mais ce ne sera hélas pas suffisant. Sur une autre note, on ne possède toujours pas de studio de pratique ni de bureau, on a donc commencé à magasiner ça! C’est excitant.
LVM : Connaissez-vous le groupe Ensemble for New Music Talinn, récipiendaire de l’autre prix Ensembles accordé par la Fondation? Avez-vous des points en commun?
GL : Je connais le Ensemble for New Music Tallinn depuis plusieurs années et je suis super fan, je suis vraiment contente qu’ils aient remporté le prix! Je rêve de visiter l’Estonie depuis longtemps et je pense que ça pourrait être une superbe opportunité! On aimerait beaucoup qu’ils viennent à Montréal, il faut que le public montréalais vive ça. Je pense qu’on partage pas mal de choses en commun, entre autres : on présente des concerts « non-conformistes » en musique nouvelle et on est un noyau d’artistes avec quelques artistes supplémentaires qui gravitent tout autour.
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