
Quand il a joué en solo avec l’OSM le 19 février dernier, le violoniste Sergey Khatchatryan a conquis le public avec une interprétation prenante du Concerto de Tchaïkovski. L’intention musicale était sentie du début jusqu’à la fin. Si la sonorité était un peu dure par moment, la canzonetta du deuxième mouvement, bien au contraire, était empreinte de tendresse et de délicatesse. Le rappel, une mélodie arménienne, a été interprété avec intériorité et mélancolie.
Le violoniste jouait de nouveau à Montréal dimanche après-midi : lui et sa sœur pianiste Lusine étaient les invités de la Société Pro musica pour le dernier concert Carte blanche de la saison. Le duo interprétait deux sonates de Beethoven, la sonate de Debussy et une sonate de leur compatriote arménien Arno Babadjanian.
Le miracle ne s’est pas reproduit. Les duettistes ont exécuté les notes dictées par la partition avec, il est vrai, une maîtrise de la plupart des paramètres techniques (exception faite du contrôle de la prise de son sur la note grave du violon : quand la corde cille en cognant sur la touche presque 4 fois sur 5, je commence à me poser de sérieuses questions; si c’est la hauteur du chevalet qui est en cause, il faut régler la situation – hier). Cependant, l’intention, la direction de phrasé et les variations de couleurs étaient absentes presque de bout en bout. Le violon de Sergey sonnait grêle et légèrement nasillard : ce ne peut être dû à l’excès d’humidité de cette journée pluvieuse, puisque cela aurait rendu le son au contraire mat et sans définition.
Les variations formant le deuxième mouvement de la Sonate no 1 de Beethoven étaient juxtaposées l’une à l’autre sans sentiment de progression. Le troisième mouvement, un Rondo enjoué un peu naïf, manquait d’entrain et de bonhomie. L’exécution de la sonate de Debussy était correcte sans être remarquable.
Au retour de la pause, la Sonate no 4, également de Beethoven, a commencé de façon plus prometteuse, avec plus d’engagement personnel et l’emploi d’un vibrato différencié de la part du violoniste. Cela n’a pas duré, et le deuxième mouvement est tombé de nouveau dans une exécution linéaire.
Heureusement, la dernière œuvre au programme est venue rattraper quelque peu la situation. La sonate d’Arno Babadkanian (1921-1983) est une œuvre fougueuse fort intéressante, qui happe le public dès les accords intenses du début. Dédiée à Chostakovitch, elle laisse entendre quelques affinités de langage avec celui-ci, mais aussi avec Prokofiev. Elle fait semble-t-il partie du répertoire courant en Arménie et en Russie, alors qu’ici, elle est absente des programmes. Pour les deux interprètes de dimanche, elle forme un terrain de jeu idéal où leurs forces peuvent se déployer.
Ce déferlement d’intensité a été suivi d’un rappel délicat, le chant L’abricotier dans un charmant arrangement de Komitas Vardapet repris par A. Gabrielian.
Il peut bien sûr s’agir d’une exception et que les récitals offerts par le frère et la sœur Khatchatryan constituent de façon régulière des moments musicaux marquants. D’ailleurs, je fais clairement exception dans mon évaluation de la présentation de dimanche : le public massé au parterre de la salle Pierre-Mercure, parmi lequel j’ai reconnu quelques musicien·ne·s professionnel·le·s spécialistes des cordes, a salué les exécutions avec un enthousiasme fervent. Mes propres perceptions me mènent cependant à conclure que Sergey Katchatryan est un soliste tout à fait intéressant dans un concerto avec orchestre, mais qu’il lui manque les qualités faisant un bon chambriste. Quant à Lusine, je n’ai pas d’autres points de comparaison pour ce récital dans lequel elle a joué avec compétence technique et déploiement de force, mais avec peu d’authentique intention.
Le duo reprend le même programme au Palau de la Música de Valence au début juin. Espérons que leurs interprétations auront mûri d’ici là.
Cet article a d’abord été publié sans la précision du titre du rappel, qui a été rajouté par la suite.
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