De la tranquillité de la campagne beauceronne à la frénésie des grands boulevards parisiens en 24 h : c’est ce qu’a vécu Dorothéa Ventura alors qu’un texto paniqué est venu bouleverser ses vacances familiales.
On savait déjà que Dorothéa Ventura était capable de tout, incluant d’être (presque) partout. Les mélomanes montréalais savent la reconnaître à sa longue chevelure blonde, qu’elle soit sur scène pour chanter ou danser, nichée au sein d’un choeur, ou assise au clavier d’un clavecin ou d’un orgue, camouflée par l’orchestre. Elle est si indispensable que même les Parisiens font maintenant appel à elle en cas d’urgence.
Tout a commencé le 30 décembre dernier. Le passage à la nouvelle année s’annonçait sans histoires, un moment de repos bienvenu après la frénésie annuelle des concerts de Noël. Mais un appel à l’aide d’Hervé Niquet, chef d’orchestre et spécialiste renommé de la musique baroque, celui-là même qui était à Montréal pour diriger l’Enfance du Christ à l’OSM dix jours auparavant, est venu tout chambouler. « Le claveciniste qui devait jouer pour un grand projet de concert et d’enregistrement commençant le 2 janvier doit se désister, pourrais-tu le remplacer? »
289 pages de musique inconnue…
Bien sûr, Dorothéa, encouragée par son conjoint et ses enfants, accepte. Et commence le grand périple. Vite en route pour Québec afin de prendre l’autocar vers Montréal. Il faut faire les bagages et trouver le passeport (est-il même encore valide? fiou, oui!), réserver un avion, se rendre à l’aéroport… Dans l’avion le 31 décembre, arrivée à Paris le 1 janvier, et début des répétitions le 2 janvier! Oufff!!
C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée au sein de l’orchestre baroque Le Concert spirituel pour une semaine de répétitions en vue d’un concert au Théâtre des Champs-Élysées, ayant eu lieu le 9 janvier. L’unique œuvre au programme est l’opéra Iphigénie en Tauride de Desmarest et Campra, dont la composition est aussi entourée d’une histoire rocambolesque que nous promettons de vous raconter un jour. Le dépaysement n’est pas que géographique : une section de continuo formée de deux basses d’archet, deux violes de gambe, deux théorbes et un clavecin, c’est du jamais vu pour notre musicienne pourtant aguerrie! À ce continuo de luxe s’ajoutent seize instruments à cordes, quatre hautbois et quatre bassons. Elle raconte être partie à rire aux premières notes de la répétition, épatée par la sonorité à émaner de la formation! La distribution des chanteurs, qui compte Véronique Gens en Iphigénie, frôle les mêmes stratosphères.
Après la prestation aux Champs-Élysées, il reste encore quatre journées bien remplies d’enregistrement pour ce troisième album d’une tétralogie de tragédies lyriques co-produite avec le Centre de musique baroque de Versailles pour l’étiquette Alpha Classique. L’opus précédent, Médée de Marc-Antoine Charpentier, est justement paru le 5 janvier dernier et récolte depuis des éloges dans la presse française.
De retour au pays, Dorothéa Ventura a repris sa « routine » habituelle. Elle a participé au concert de Pallade musica dimanche dernier, on peut l’entendre sur le disque fraîchement paru de l’Ensemble Caprice Don Quichotte chez la Duchesse, le 27 janvier, elle danse dans le concert Pulcinella de l’Orchestre symphonique de Laval, chorégraphié par Marie-Nathalie Lacoursière (un de nos Choix de la rédaction de cette semaine), et le 9 février, l’ensemble Les Idées heureuses, dont elle est la directrice artistique, présente Chaconne et chocolat : délectations allemandes en prélude à la Saint-Valentin.
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