La chaconne – et la passacaille, forme étroitement parente de la première – était une fois de plus à l’honneur aux Idées heureuses lors de la soirée annuelle Chaconne et chocolat. Dans cette troisième édition, public et interprètes se sont délectés d’œuvres allemandes.
La soirée a commencé tout en sobriété, un faisceau lumineux éclairant le violoniste Guillaume Villeneuve, seul au centre de la scène. Dorothéa Ventura, directrice artistique, a invité Villeneuve à se joindre à ce concert des Idées heureuses après l’avoir entendu au Concours de musique ancienne Mathieu-Duguay de Lamèque en 2022, concours dont il a remporté le premier prix.
Mais cela, le public ne l’a appris qu’une fois conquis par sa magistrale interprétation de la Passacaille pour violon seul de Biber, extraite des fascinantes Sonates du Rosaire. Villeneuve en a livré une exécution empreinte de raffinement et de subtilité.
En écrivant ses œuvres extrêmement avancées pour violon solo, Biber a jeté les bases pour un autre monument du répertoire pour l’instrument, les Sonates et Partitas de Johann Sebastian Bach. Dans un concert dévoué à la chaconne allemande, impossible de passer à côté de LA grande chaconne, celle en ré mineur tirée de la Deuxième partita. Et quand on a Olivier Brault à portée de la main pour l’interpréter, eh bien, ce n’est plus une obligation, c’est une évidence.
Brault a joué ce chef-d’œuvre musical à partir du balcon, face à la scène, formant ainsi une réponse scénique autant que musicale à la pièce de Biber entendue plus tôt, et soulignant comment la première a permis à la deuxième de se hisser plus haut. Brault, grand spécialiste du violon baroque, a souvent interprété la Chaconne dans sa vie d’artiste, et il la maîtrise admirablement. Contrairement à plusieurs interprétations sur violon moderne, rien n’est alourdit, les phrases coulent avec légèreté, la conduite des voix ressort même dans les voix intérieures et l’architecture acquiert un caractère aérien comme une voûte de cathédrale.
Geneviève Soly a encadré le Bach d’œuvres aux claviers, d’abord la Chaconne en mi mineur BixWV 160 de Buxtehude sur le grand orgue de chambre, puis la Passacaille extraite de la Suite pour clavecin no 7 en sol mineur de Händel au clavecin, avec l’habileté et la profondeur musicale qu’on lui connaît.
Par la suite, les deux violonistes, ayant conquis chacun leur extrémité de salle, se sont finalement rejoints sur scène pour une chaconne miniature pour deux violons, la bien nommée Lilliputsche extraite de la Suite Gulliver de Telemann, envolée en un instant.
Elinor Frey et Dorothéa Ventura leur ont succédé avec une intéressante et plus substantielle chaconne pour viole de gambe et clavecin de Johannes Schenck, un apéritif pour les pièces d’ensemble qui allaient suivre.
Le concert s’est conclu en crescendo, alors que l’ensemble à cordes complet s’est installé sur scène devant le clavecin de Ventura pour jouer d’abord une passacaille extraite de la Suite orchestrale no 4 en ré mineur de Johann Caspar Ferdinand Fischer, peut-être la moins intéressante d’un programme bien choisi, suivie de la Chaconne en sol majeur extraite du Concerto grosso XII « Propitia Sydera » de Georg Muffat, aux textures instrumentales plus variées que la précédente.
Des membres du choeur Da Capo se sont finalement joints aux instrumentistes pour la seule pièce vocale du programme, un bijou d’Alleluja extrait de la cantate Der Herr ist mit mir BuxWV 15 de Buxtehude, devant un public charmé au point d’en réclamer la reprise en rappel.
Après le succès des éditions française, italienne et allemande. ce sera au tour de l’Angleterre de faire l’objet d’une soirée de chaconnes triées sur le volet l’an prochain.
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