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PREMIÈRE | La Reine-garçon : héroïne du XVIIe siècle, opéra pour notre temps

Par Béatrice Cadrin le 2 février 2024

La soprano libano-canadienne Joyce El-Khoury (Photo : Heather Elizabeth Media)
La soprano libano-canadienne Joyce El-Khoury (Photo : Heather Elizabeth Media)

C’est ce samedi 3 février qu’a lieu à l’Opéra de Montréal la première tant attendue de La Reine-garçon, nouveau produit de la fructueuse collaboration entre le librettiste Michel-Marc Bouchard et le compositeur Julien Bilodeau. La metteure en scène Angela Konrad complète le trio créateur.

La soprano Joyce El-Khoury, que l’on a entendu en Cio-Cio San en mai dernier, revient à Montréal pour prendre le rôle titre. Le baryton Étienne Dupuis et la mezzo Pascale Spinney sont à ses côtés, ainsi que Daniel Okulitch, Isaiah Bell, Éric Laporte, Aline Kutan et Alain Coulombe. L’Orchestre symphonique de Montréal et le Choeur de l’Opéra de Montréal sont placés sous la direction de Jean-Marie Zeitouni.

Portrait de Christine de Suède par le peintre français Sébastien Bourdon, collection du Musée national de Suède (Photo : Wikimedia Commons)
Portrait de Christine de Suède par le peintre français Sébastien Bourdon, collection du Musée national de Suède (Photo : Wikimedia Commons)

Le personnage historique

L’intrigue est centrée autour du personnage historique de Christine, reine de Suède (1626-1689), qui accède au trône à l’âge de six ans. Dans le chapitre lui étant consacré dans le livre Femmes d’état, Guillaume Frantzwa en dit ceci: « Si elle n’est ni jolie ni très grande, sa personnalité, en revanche, fait forte impression. Fière, calculatrice au besoin, elle sait faire preuve aussi bien de subtilité que de brutalité, et son côté imprévisible contribue à alimenter sa légende. Son caractère est façonné par une éducation sévère et physique – à l’image de celle qu’on réservait au garçon que son père aurait tant voulu –, mais qui n’empêche pas sa vive intelligence de se développer précocement. »

Amoureuse d’une femme, pacifiste avant l’heure, Christine détonne par rapport à son époque. Ses goûts dispendieux et son refus d’assurer la stabilité du royaume en se mariant pour donner naissance à un héritier, sans compter les rumeurs autour de ses supposées amours illicites, la rendent impopulaire auprès de ses sujets. Elle abdique de son propre chef en 1654.

« Qu’est-ce que l’amour, Monsieur Descartes? »

« Qu’est-ce que l’amour, Monsieur Descartes? » Cette question, elle provient de l’authentique correspondance entre Christine de Suède et René Descartes, correspondance qui mène à une invitation à la cour de Suède. Elle illustre l’intensité des questionnements qui tiraillent la jeune reine. Boulimique intellectuelle, polyglotte, elle tente d’accéder au monde des sentiments par le même chemin cérébral, celui que l’on qualifie justement de « cartésien » aujourd’hui.

Sa crise identitaire n’est pas tant provoquée par son amour pour sa dame de compagnie, aussi interdit soit-il, que par le fait d’être en amour, point. En tant que reine, elle désire se dévouer tout entière à son royaume, faire sortir la Suède du conservatisme luthérien et la transformer en haut lieu culturel aussi sophistiqué que Rome. Sa nature entière l’empêche de concilier les deux et elle devra trouver son propre chemin pour vivre selon qui elle est : « Renier mon père, renier ma foi, renier mon peuple, renier tout ce que je suis, pour vivre qui je suis » est pour Michel-Marc Bouchard – qui vit avec le personnage de Christine depuis près de dix ans, à travers plusieurs médiums (cinéma, théâtre, bande dessinée et maintenant opéra) – la phrase charnière de l’oeuvre.

Isaiah Bell (Comte Johan Oxenstierna) et Joyce El-Khoury (Christine) lors de la présentation aux médias (Photo : Béatrice Cadrin)
Isaiah Bell (Comte Johan Oxenstierna) et Joyce El-Khoury (Christine) lors de la présentation aux médias (Photo : Béatrice Cadrin)

Force motrice au féminin

Ses choix de femme indépendante de pensée et d’action déclenchent à leur tour des déchirements chez les personnages qui l’entourent, qu’ils gèrent selon leurs propres moyens. Pour Isaiah Bell, qui joue Johan, le fils du chancelier et compagnon de jeu de Christine, c’est là un des aspects fascinants de l’oeuvre : « Mon père et moi représentons l’institution, la force du modèle patriarcal qui s’attend à voir Christine entrer dans le moule établi. Dans la plupart des opéras, même ceux avec un personnage féminin central, celui-ci réagit aux forces extérieures qui ont une emprise sur son destin, alors que dans cet opéra-ci, c’est Christine qui est la force motrice. Pour mon personnage, voir Christine s’affranchir des règles et choisir son propre destin fait éclater sa vision du monde. »

Le compositeur Julien Bilodeau (Photo : Julien Bilodeau)
Le compositeur Julien Bilodeau (Photo : Julien Bilodeau)

La musique

« Dès la première lecture du livret, j’ai déjà presque tout entendu », révèle Julien Bilodeau. Au fil des relectures, le compositeur établit les différentes ambiances, se met à l’affût des sources musicales latentes ou de sujets de recherche qui lui fourniront l’inspiration de base pour le matériau musical. Mais il ne s’agit pas pour lui d’un jeu de citations musicales : « Une fois que je mets la main sur quelque chose, ça part dans une autre direction. »

Il ne tarit pas d’éloges envers les interprètes qui donnent vie à sa musique. « C’est une partition extrêmement difficile, mais rendue de façon tellement fluide, tellement sentie et vivante par les chanteurs et l’OSM. Je suis renversé, je n’oublierai jamais l’expérience des derniers jours. »

En plus de l’esprit de collaboration évident régnant entre Bouchard, Konrad et Bilodeau, ce dernier souligne également l’apport du chef Jean-Marie Zeitouni, un fidèle collaborateur depuis 2011. « Je lui posais des questions sur le réalisme de mon approche, il me proposait des pistes de solution. Personne ne mettait son ego de l’avant, tout le monde se mettait au service de l’oeuvre. »

Co-produite avec la Canadian Opera Company de Toronto, La Reine-garçon sera la première création québécoise à y être présentée.

LES 3, 6, ET 8 FÉVRIER, 19 H 30 et LE 11 FÉVRIER, 14 H, SALLE WILFRID-PELLETIER DÉTAILS ET BILLETS

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Béatrice Cadrin
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