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INVITÉE SPÉCIALE | La folie contagieuse de Patricia Kopatchinskaja

Par Béatrice Cadrin le 26 mars 2019

Patricia Kopatchinskaja sera en récital ce dimanche, 31 mars, 14 h 30 à la salle Pierre-Mercure.
Photo : Marco Borggreve

Pour son deuxième passage à Montréal en moins d’un an, la pétillante violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja présente un récital violon et piano avec sa partenaire musicale Polina Leschenko, à l’invitation de la Société Pro Musica. Nous avons pu lui poser quelques questions par courriel, auxquelles elle a répondu avec verve et générosité.

LvM : Chaque moitié du programme que vous jouerez le 31 mars combine une œuvre d’un compositeur hongrois ou roumain avec une œuvre française, reprenant en partie le répertoire de votre récent enregistrement DEUX. Comment en êtes-vous venue à choisir cette combinaison?

PK : « Il s’agit d’une collaboration entre Polina et moi-même. Le choix des pièces a été déterminé par nos préférences personnelles. Mais ce programme trouve aussi son origine dans un concert qui a été donné à Paris par la célèbre violoniste Jelly d’Aranyi (NDLR : violoniste hongroise de la première moitié du XXe siècle, petite-nièce de Joseph Joachim), avec Béla Bartók au piano. Ils ont joué une sonate de Bartók tandis que Ravel tournait les pages pour celui-ci. Peu de temps auparavant, Bartók avait écrit un article dans un journal musical français déclarant à quel point il détestait les rhapsodies pseudo-hongroises de Liszt et les danses pseudo-hongroises de Brahms. Après le concert, Ravel a dit à Bartók qu’il allait composer pour son ami violoniste une telle rhapsodie, la « Tzigane ». C’était de toute évidence une impertinence et une provocation. Mais c’est pourquoi nous jouons aussi la Tzigane.

Qui tournait les pages pour d’Aranyi? Francis Poulenc, et d’Aranyi l’a invité à composer une œuvre pour elle. Poulenc n’a pas composé pour d’Aranyi, mais plus tard il a écrit une sonate pour la célèbre Ginette Neveu, que nous incluons aussi dans notre programme. Finalement, nous incluons une œuvre d’un bon ami de Ravel, Enescu, qui a composé à la même période sa fameuse troisième sonate « dans le caractère populaire roumain », sur une sorte de folklore inventé qui évoque mon pays d’origine, la Moldavie, un endroit qui m’est cher. »

 

 

LvM : Vos interprétations sont hautement personnelles, dynamiques et sans peur. Arrivez-vous à faire l’expérience du même degré de liberté en musique de chambre que dans des œuvres solo ou des concertos? Comment réussissez-vous à combiner le caractère spontané de vos interprétations avec les exigences de jouer en duo avec une pianiste?

 

Depuis Beethoven, la liberté est au cœur de la musique, et cela s’applique à moi aussi. Il faut chercher des partenaires musicaux avec qui on ressent cette liberté. Ils doivent être en mesure de vous lire et vous devez être capable de comprendre leurs actions et leurs réactions. C’est une question de millisecondes. Avec Polina, on peut passer d’un extrême à l’autre, c’est comme une forme extrême d’escalade où on réussit de justesse à éviter de tomber dans l’abysse.  – Patricia Kopatchinskaja

 

LvM : Vous jouez une grande variété de répertoire de tous les styles et de toutes les époques. Y a-t-il un style avec lequel vous êtes plus à l’aise et abordez-vous les choses différemment selon les styles?

PK : « N’importe quel bruit peut devenir de la musique : des gouttes de pluie sur un toit ou le bourdonnement des abeilles. Je suis plus à l’aise à donner des créations, de la musique qui n’a jamais été entendue auparavant et qui conséquemment est surprenante et divertissante pour tout le monde, même moi. J’aime aussi tout le répertoire contemporain parce que vous pouvez interroger les compositeurs au sujet de leurs idées et qu’il n’y a pas «d’experts» pour vous dire comment faire. Mais j’aime aussi plusieurs chefs-d’oeuvre classiques, si je peux les approcher à ma façon. »

LvM : J’ai écouté la pièce « Die Wut » (La Colère), que vous avez composée, sur votre chaîne Youtube. Peut-on s’attendre à découvrir bientôt d’autres pièces composées par Patricia Kopatchinskaja?

PK : « J’aimerais vraiment composer plus, mais cela requiert du temps et me demanderait de réorganiser mon horaire. Je n’ai pas atteint cette étape encore. »

LvM : Selon vous, qu’est-ce que ça prend pour réussir en tant que musicien classique professionnel de nos jours? Avez-vous des conseils à offrir aux aspirants solistes tentant de se faire un nom?

PK: « La musique est une maîtresse exigeante, et comme l’a dit Monet : « Il faut décourager les arts. » Cela dit, un musicien authentique avec du talent et la volonté de travailler peut apporter des contributions de valeur en musique de chambre, à l’orchestre et dans l’enseignement. Réussir en tant que soliste est beaucoup plus difficile : en plus d’un excellent outillage technique et musical, cela prend une personnalité de scène qui soit capable de projeter et d’électrifier une salle. La dernière chose, et non la moindre, est la nécessité de posséder une conviction et une détermination inébranlables, parce que peu importe ce que vous ferez, vous serez sous attaque de différents côtés, parfois pour de bonnes raisons, plus souvent pour de moins bonnes, et parfois même de façon méchante. Pour être vraiment intéressant et unique, un ou une soliste se doit d’être sans peur, de posséder une vision personnelle absolue, d’avoir la foi et de viser l’accomplissement de ses rêves. Impossible d’y arriver sans être un peu fou. »

« Pat Kop » prêche par l’exemple, puisqu’elle est justement reconnue pour cette vision et cette audace. Les mélomanes montréalais auront la chance de communier avec cette folie ce dimanche 31 mars, 14 h 30, à la salle Pierre-Mercure.

PROGRAMME
Béla Bartók : Sonate pour violon et piano no 2
Francis Poulenc : Sonate pour violon et piano

Entracte

Georges Enescu : Sonate pour violon et piano no 3
Maurice Ravel : Tzigane pour violon et piano

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Béatrice Cadrin
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