Ludwig Van Montreal

DOSSIER | Alexandra Stréliski, révélation de l’ADISQ : regard sur une pianiste-compositrice

Alexandra Stréliski, pianiste et compositrice. (Photo: Raphaël Ouellet).

Alexandra Stréliski, pianiste et compositrice. (Photo: Raphaël Ouellet).

Alexandra Stréliski, pianiste et compositrice. (Photo: Raphaël Ouellet).
Alexandra Stréliski, pianiste et compositrice. (Photo : Raphaël Ouellet).

Son album Inscape compte des dizaines de millions d’écoute sur Spotify. Elle remplit des salles partout au pays et dans le monde et elle vient de recevoir les Félix d’auteure-compositrice et révélation de l’année au dernier gala de l’ADISQ. Qu’est-ce qui explique la fulgurante montée en popularité d’Alexandra Stréliski? Regard sur un phénomène.

Néo-classique, ambient, piano pop, modern classical… Peu importe l’étiquette qu’on lui donne, il n’y a pas de doute que le style contemplatif et apaisant de la compositrice touche un large public. Le format y est sans doute pour quelque chose : de courtes pièces de trois ou quatre minutes, des mélodies épurées aux accents cinématographiques appuyées sur un jeu sensible qui contraste avec les chansons énergiques qui figurent aux sommets des palmarès.

C’est peut-être ce qui attire un si grand nombre d’auditeurs, cette approche intimiste et introspective que l’on anticipe à la vue du titre de son plus récent album, Inscape.

Qui est Alexandra Stréliski?

Ayant grandi entre Paris et Montréal, la pianiste-compositrice franco-canadienne a fait paraître un premier album en 2010, Pianoscope. Sa musique a notamment été utilisée par le réalisateur Jean-Marc Vallée dans ses films Dallas Buyers Club (2013) et Demolition (2016).

Mais c’est avec son dernier opus paru en 2018 qu’Alexandra Stréliski marque véritablement un public sans cesse grandissant. Elle présente actuellement son spectacle un peu partout en Europe avant sa tournée québécoise qui s’étendra jusqu’au printemps.

Traverser les frontières grâce à Spotify

Un élément important entre en jeu lorsque l’on s’attarde au succès du dernier album d’Alexandra Stréliski. À l’ère de l’écoute en continu ou streaming, les playlists, ou listes d’écoute, abondent sur Spotify et autres plateformes.
Et quoi de mieux qu’une des pièces de son répertoire pour s’ajouter à une liste de lecture telle que Peaceful Summer Nights ou encore Autumn Piano? Ces populaires compilations touchent des milliers d’abonnés chaque jour et permettent de faire découvrir de nombreux artistes à quiconque y prête l’oreille. Et ce, dans toutes les langues.

Car nul besoin de savoir parler français pour saisir l’émotion qui se dégage des compositions d’Alexandra Stréliski. C’est peut-être ce qui explique en partie les 27 millions d’écoutes que cumule la pièce Plus tôt, la plus écoutée de la compositrice montréalaise sur Spotify.

« Néo-classicisme » et musique de films

Le succès d’Alexandra Stréliski, dont la musique s’est retrouvée plusieurs fois tant au petit qu’au grand écran, rappelle celui de Yann Tiersen après la sortie de la bande originale du célèbre film Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain.

Un autre pianiste montréalais s’est d’ailleurs démarqué dernièrement, notamment après la sortie du dernier film de Xavier Dolan, Matthias & Maxime. En effet, Jean-Michel Blais parcourt lui aussi l’Europe avant de revenir présenter son spectacle à la Place des arts les 14 et 15 janvier prochains.

Des pièces pour piano dont la durée ne dépasse que très rarement les cinq minutes, des thèmes récurrents et accrocheurs sur des progressions d’accords simples mais poignantes. C’est ce qui semble lier la musique de ces compositeurs et compositrices qui gagnent en popularité ces dernières années.

En plus d’Alexandra Stréliski et de Jean-Michel Blais, d’autres compositeurs et compositrices tels que Julie Thériault, qui était aussi en nomination à l’ADISQ, sont les représentants montréalais d’un mouvement international qui fusionne plusieurs influences musicales. De nombreux pianistes se tournent vers la composition dans une démarche qui rappelle énormément celle des artistes pop.

C’est ainsi qu’Ólafur Arnalds, jeune musicien et producteur islandais, présente sa musique minimaliste et imagée partout dans le monde, même si celle-ci est dépourvue de refrains à scander en chœur par l’auditoire.

On compte également parmi ceux-ci de véritables stars internationales, telles l’Italien Ludovico Einaudi ou encore l’Allemand Max Richter, qui eux aussi ont signé bon nombre de bandes sonores pour le cinéma. Associés par certains observateurs au courant minimaliste, tous les deux ont cependant en commun d’avoir étudié avec Luciano Berio, lui-même plutôt associé à la musique électroacoustique.

À la recherche d’évasion musicale

La musique de ces compositeurs semble parfois vouloir résister aux impératifs de la vie quotidienne à travers des œuvres économes, à l’instrumentation réduite, enclines à calmer et apaiser celui ou celle qui s’y laissera transporter.

Mais alors, pourquoi cette appellation de musique « néo-classique » utilisée aujourd’hui dans les médias pour désigner leur musique? En effet, le néo-classicisme désigne plutôt un mouvement musical du début du 20e siècle auquel appartient, entre autres, Igor Stravinsky, pour une partie de son œuvre avec des compositions telles que le ballet Pulcinella. Caractérisé par un retour aux éléments stylistiques de l’époque classique, le néo-classicisme, dans cette définition, n’est toutefois pas un courant unifié. L’utilisation de ce terme a d’ailleurs toujours été controversée.

À mon sens, ce qui renvoie les compositions d’Alexandra Stréliski, de Jean-Michel Blais et de leurs homologues européens au terme de « néo-classicisme » serait plutôt la filiation mise de l’avant entre leur musique et celle des compositeurs des siècles passés, notamment dans leurs titres.

Par exemple, l’une des pièces apparaissant sur Inscape se nomme Burnout Fugue, évoquant ainsi une forme instrumentale issue de la tradition classique. En plus de vendre des cahiers de partitions de leurs pièces, ces pianistes-compositeurs dotés d’une véritable formation académique participent à des tournées internationales. Celles-ci rappellent l’époque où le piano était l’instrument-roi sur lequel s’exécutaient Liszt et Chopin à travers toute l’Europe.

Nous avons aujourd’hui néanmoins affaire à un tout autre type de virtuosité, non pas axée sur la technique de jeu, mais plutôt sur l’expression de la sensibilité et, il va sans dire, la mise en marché.

Oui, avec ses deux Félix en mains et son veston lustré sur le tapis rouge du dernier Gala de l’ADISQ, Alexandra Stréliski avait bel et bien l’étoffe d’une popstar.

LIRE AUSSI :

 

DOSSIER | Le piano en Chine : une obsession nationale qui fait exploser le marché