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CRITIQUE | Orchestre Métropolitain : Une Troisième de Mahler qui guérit les maux de la Terre

Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre Métropolitain. (Photo : François Goupil)
Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain. (Photo : François Goupil)

C’est devant une Maison symphonique remplie que l’Orchestre Métropolitain a lancé mardi soir dernier sa saison 2025-2026 avec une spectaculaire et émouvante Troisième symphonie de Mahler, précédée d’une création du compositeur Pied-Noir Sonny-Ray Day Rider, Eukaryotica. L’orchestre dirigé par Yannick Nézet-Séguin accueillait la mezzo-soprano Joyce DiDonato pour tenir la partie de soliste des derniers mouvements

La symphonie a été exécutée avec une variété de coloris, une sincérité de sentiment et une justesse d’exécution vraiment remarquables. L’amour universel dont le dernier mouvement se veut l’expression nous a réellement transportés, réalisant le souhait exprimé au micro en début de concert par Fabienne Voisin, directrice générale de l’OM, et Yannick Nézet-Séguin que la musique serve d’antidote aux tensions sociétaires actuelles.

Que nous concluerions la soirée sur un tel nuage d’émotion collective n’était pas entièrement évident dès le départ. L’impact confiant de l’unisson des huit cors, aidés par leur position devant le mur arrière de la scène, annonçait certes le niveau élevé des richesses à venir. Ces richesses ont cependant requis une certaine période d’adaptation avant que les différentes sections de l’orchestre ne s’harmonisent entièrement. Dans le premier mouvement, bien qu’exécuté avec précision, la somme des parties n’était encore parfois que le résultat d’une juxtaposition d’éléments unitaires, attendant que l’alchimie ne s’opère. Une fois qu’elle s’est opérée, cependant, la transmutation a progressé de façon exponentielle, nous menant jusqu’à des sommets de transport et de communion. Il y a eu dans le deuxième mouvement un temps de suspension, une respiration menée de façon si symbiotique que les frontières individuelles s’en sont trouvées complètement effacées.

L’ensemble des cuivres a joué avec finesse, variant les couleurs et ne misant jamais uniquement sur le volume sonore, même dans les passages où les nuances fortes sont prescrites par le compositeur. Le solo de trombone du premier mouvement est rarement entendu avec cette expression de vulnérabilité émouvante que lui a donnée Patrice Richer. De même, les interventions hors scène du Posthorn dans le troisième mouvement ont été sculptées avec raffinement par Antoine Mailloux, premier trompettiste.

Les bois n’étaient pas en reste, autant en section que dans les solos. Jocelyne Roy, à la position de première flûte, a mené une section agrandie de flûtes et de piccolos en diverses combinaisons d’une homogénéité d’intonation et de timbre stupéfiante. Elle-même a été absolument remarquable tout le long. Sa toute dernière entrée solo était empreinte d’une luminosité tendre et délicate, dans laquelle s’est inséré sans heurt le piccolo de Caroline Séguin. Les « sons de la nature » confiés au hautbois dans le quatrième mouvement ont été parfaitement réalisées par Léanne Teran-Paul.

Je souligne les réussites de moments exposés, mais la qualité mémorable de la prestation reposait sur l’attention accordée aux moindres détails, même ceux qui passent aisément inaperçus : notons à titre d’exemple ce moment dans le dernier mouvement, soit à la fin de la symphonie la plus longue du répertoire, où les bassons ont exécuté une entrée pianissimo absolument synchronisée et en parfaite adéquation avec la nuance des cordes.

 

Joyce DiDonato entourée de l’Orchestre Métropolitain. (Photo : François Goupil)

Parlant des cordes, les violoncelles et contrebasses ont amorcé le quatrième mouvement avec un pianississimo magique où chaque note restait parfaitement claire, créant un écrin de douceur pour l’entrée de la mezzo soprano, qui s’y est insérée avec délicatesse et sensibilité. Joyce DiDonato, debout au sein de l’orchestre, a livré une interprétation parfaite : le timbre vibrant de la voix, le contrôle des nuances, la clarté et la compréhension du texte, on épuiserait la banque d’adjectifs superlatifs à tenter de tout commenter.

Les Petits Chanteurs du Mont-Royal, solides, n’étaient malheureusement pas bien servis par leur place derrière les femmes du Chœur Métropolitain, d’où leurs « Bimm! Bamm! » sonnaient un peu mat. Il aurait mieux valu, je crois, accepter l’asymétrie visuelle et les placer dans les rangées côté jardin, du même côté que les cloches tubulaires (placées un étage plus haut) dont ils sont censés imiter les coups. Les femmes, occupant les premières rangées du chœur, ont chanté avec la candeur appropriée et un bel équilibre des voix.

Eukaryotica

En accord avec la tradition instaurée depuis quelques années, l’Orchestre Métropolitain a lancé sa saison par une œuvre d’une personne membre des Premières Nations. Il s’agissait cette fois d’Eukaryotica du compositeur Pied-Noir Sonny-Ray Day Rider, détenteur d’une maîtrise en composition de l’Université Lethbridge en Alberta. Pour cette œuvre, le compositeur s’est inspiré du processus de multiplication des cellules eucaryotes. La pièce emploie un motif descendant de quatre notes dont les versions en valeurs longues et courtes se superposent et s’enchevêtrent. De facture simple, elle a fait bon effet et été accueillie chaleureusement par le public debout.

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