
par Mireille Cadrin
Les Grands Ballets ouvrent leur saison 2025-2026 avec Bella Figura, un spectacle rassemblant quatre chorégraphies de danse contemporaine, présenté du 11 au 20 septembre au Théâtre Maisonneuve. LVM a assisté à la première pour vous en rapporter les grandes lignes. Les Grands Ballets ont-ils réussi à nous donner l’eau à la bouche pour la suite de la saison? Oui, mais…
La soirée s’est ouverte avec Voluntaries du chorégraphe Glen Tetley, créé en 1973. Cette danse mêlant lignes classiques et lignes contemporaines reste résolument contemporaine dans son ensemble. L’œuvre en soi est répétitive et ne nous a pas particulièrement accroché, mais il s’agit là d’une question de goût personnel. Malheureusement, les artistes ne réussissent pas à nous impressionner et à nous faire oublier la chorégraphie. Plusieurs erreurs se sont glissées dans leur interprétation, que ce soit au niveau du synchronisme, de la qualité des mouvements, de la rectitude des lignes ou du coup d’œil général. En effet, les danseurs·euses ne semblaient pas encore tout à fait prêt·e·s à présenter cette œuvre, nous donnant même parfois l’impression d’être en répétition. D’ailleurs, le public de la première leur a réservé un accueil correct, mais sans plus. Un point positif que l’on doit souligner cependant est la qualité des portés – qui se trouvent en quantité d’ailleurs – qui sont d’une aisance déconcertante, la femme semblant peser le poids d’une poupée de chiffon tant l’homme la manipule avec agilité.
La compagnie montréalaise se rattrape toutefois par la suite alors qu’elle interprète Fête sauvage de la chorégraphe québécoise Hélène Blackburn. Cette fois, les mouvements sont faits avec justesse et précision. Relevant sans contredit de la danse contemporaine, sans aucun rappel de lignes classiques, cette œuvre, qui est née suite au confinement de la pandémie, se veut selon le programme “une fête instinctive, clandestine, physique – célébration féroce du lien retrouvé”. Ces propos ne nous semblent pas clairement démontrés, les gestes étant brusques, saccadés et combatifs plutôt que festifs. Cependant, les interprètes les rendent avec exactitude et force, démontrant cette fois tout leur bagage technique et leur talent. Signe que les temps changent, un homme danse la chorégraphie sur pointes, traditionnellement réservées aux femmes. Une danseuse s’exécute quant à elle en talons hauts, ce qui demande une agilité certaine, alors que les autres artistes portent à leurs pieds l’équipement habituel, pointes pour les femmes et chaussons noirs pour les hommes. Une réussite bien accueillie par le public cette fois.
C’est définitivement au retour de l’entracte que le public est gagné. Lorsque le rideau s’ouvre pour Nebe, duo chorégraphié par Jérémy Galdeano et Věra Kvarčáková et interprété par la première danseuse Maude Sabourin et le premier danseur Raphaël Bouchard, l’effet sur scène est saisissant et un murmure se fait entendre dans la salle. Un rayon laser bleu créant un immense triangle est traversé par de la fumée d’ambiance, donnant l’impression que celle-ci est tangible, palpable. La danse est par la suite interprétée de façon majestueuse, alors que les mouvements sont à la fois doux et intenses, légers et organiques, et démontrent une complicité certaine entre les interprètes. Ce six minutes de plaisir pour les yeux est l’adieu à la scène de Raphaël Bouchard, à qui nous souhaitons une belle retraite de la danse et beaucoup de succès dans ses prochains défis.
La pièce titre qui clôture la soirée est toutefois l’œuvre qui semble le plus plaire au public, à y voir sa réaction. Les applaudissements chaleureux et enthousiastes sont accompagnés d’une ovation debout durant plusieurs minutes. La chorégraphie de Jiří Kylián Bella Figura est d’une musicalité impressionnante, chaque trémolo et chaque apogée musicale étant mis en valeur, sans toutefois que ça devienne trop lourd visuellement. Cette danse, qui est composée de duos, de trios et de moments d’ensemble, cherche à amener le spectateur à se questionner sur la relativité du beau, du sensuel, de l’esthétique, et c’est réussi. Lors des duos, les mouvements de l’un complètent à merveille ceux de l’autre, les lignes se parachevant et créant des formes parfaites entre elles. Un moment visuellement marquant est l’utilisation lors d’une partie de la chorégraphie de grandes jupes bouffantes rouges portées autant par les hommes que les femmes qui sont tous torse nu. Lorsque neuf artistes apparaissent sur scène avec ce costume et dansent dans un synchronisme frappant, l’effet visuel est spectaculaire. Un autre effet visuel remarquable est l’utilisation des rideaux qui se ferment et s’ouvrent afin de créer un cadre autour des danseurs·euses et servant même d’accessoire à quelques reprises. Du point de vue qualité de la danse, on peut dire que les artistes réussissent ce retour devant public après la pause de l’été. Manifestement, cette pause en fût une de scène, mais pas d’entraînement! Chaque mouvement est méticuleusement exécuté, donnant un résultat doux, léger, sans effort.
Si on fait abstraction de la première œuvre, c’est définitivement un coup d’envoi réussi pour les Grands Ballets. Comme il peut arriver qu’une représentation se passe moins bien que d’autres, nous leur pardonnons cet anicroche et leur souhaitons une merveilleuse saison!