
« La vie, c’est vraiment de la foutue merde. »
« Alors, chante. »
Nous sommes en 1916, au milieu de ce qui sera appelé la Première Guerre mondiale. Dans la beauté pastorale du Yorkshire, avec ses collines vertes et douces, les nombres des jeunes hommes s’amenuisent au fur et à mesure qu’ils répondent à l’appel pour combattre en Europe continentale. Le facteur, lors de ses tournées, distribue chaque jour de mauvaises nouvelles aux nouvelles veuves.
Dans la ville fictive de Ramsden (représentée par le village historique de Saltaire, près de Bradford), la société chorale locale lance sa période d’auditions. Cependant, son chef de chœur régulier démissionne pour s’engager dans l’armée. Comment continuer? Les responsables de la société, dirigés par l’échevin Duxbury, ténor et propriétaire de filature locale (interprété par Roger Allam), examinent les candidats disponibles et proposent d’engager le Dr. Guthrie, joué par Ralph Fiennes.
Mais Dr. Guthrie pose quelques problèmes : il a … des particularités (il est homosexuel). Il a passé plusieurs années en Allemagne, patrie désormais ennemie. Pourtant, c’est le meilleur chef que la société puisse trouver, et les responsables l’engagent donc pour recruter et diriger le chœur.
Une fois Guthrie engagé et convaincu de monter sur le podium, des difficultés apparaissent au niveau du choix du répertoire. La Passion selon Saint-Matthieu? C’est de Bach, un Allemand. Même chose pour Brahms. Handel, bien qu’ayant vécu en Grande-Bretagne, était aussi allemand.
Dr. Guthrie choisit donc de monter The Dream of Gerontius d’Edward Elgar.
The Choral : discussion
Le réalisateur Nicholas Hytner, également metteur en scène de théâtre et ancien directeur artistique du National Theatre de Londres, signe le film à partir d’un scénario original d’Alan Bennett. Hyter est connu pour The Madness of King George (1994), The Crucible (1996) et The Lady in the Van (2015). Dans The Choral, il recrée l’essence de l’époque avec soin et authenticité. La ville fictive de Ramsden possède un certain charme de la fin de l’époque édouardienne, mais la vie y est loin d’être facile : attitudes sexistes, oppression des homosexuels et brutalité de la guerre sont omniprésentes.
Dans les rues, certains soldats revenus à domicile ont perdu un bras ou une jambe. Leurs retrouvailles avec leurs proches ne répondent pas toujours à leurs attentes. Même si certains recrues sont enthousiastes, l’ombre de la guerre plane sur toute la ville. Que faire? Chanter avec le chœur.
Le film mêle humour et drame à travers une distribution variée, incluant Simon Russell Beale, ancien choriste et élève de la St. Paul’s Cathedral Choir School, et des vétérans comme Mark Addy et Alun Armstrong. Pour équilibrer le récit très masculin, le personnage de Mary Lockwood, interprété par Amara Okereke, est la chanteuse la plus talentueuse du chœur et une volontaire dévouée de l’Armée du Salut. Sa prestation musicale constitue un des moments forts du film.
Musicalement, Clyde (interprété par Jacob Dudman), le soldat revenu du front, est un ténor touchant et incarne le rôle principal de la version revisitée du Gerontius, racontant traditionnellement l’histoire d’un vieil homme mourant.
Après quelques tribulations — incluant une apparition d’Elgar lui-même — l’oratorio est enfin présenté au public. La beauté de la partition et la passion de son interprétation forment le cœur émotionnel du film.
Faut-il continuer à chanter en temps de guerre, malgré les trains qui emmènent tant de jeunes hommes vers la mort ou l’inconnu? La réponse est oui.
Dernières impressions
Le film offre un regard légèrement différent sur l’époque, notamment pour un public nord-américain. Il est intéressant d’entendre le personnage de Fiennes défendre l’Allemagne et les Allemands comme « des gens qui mettent musique, beauté et art dans tout ce qu’ils font ». Le temps façonne notre perception.
The Choral a été présenté en première au TIFF 2025 le 5 septembre, avec une projection supplémentaire le 12 septembre.
Cet article a été rédigé en anglais par Anya Wassenberg et publié par Ludwig van Toronto. Il a été traduit par Béatrice Cadrin pour Ludwig van Montréal. La version originale peut être consultée ici.