
Le succès populaire du Concert au pied du mont Royal ne se dément pas : la foule immense amassée hier soir a offert un accueil enthousiaste aux prestations de l’Orchestre Métropolitain (OM) et de Yannick Nézet-Séguin, et a fait preuve d’une écoute attentive et disciplinée pendant que l’orchestre interprétait Mendelssohn, Holmès, Gratton, Stravinsky et Lapointe.
Avant le concert, l’orchestre a tenu à rendre hommage à un pilier important de son évolution, Pierre Péladeau, à l’occasion du centième anniversaire de naissance de celui-ci. Deux de ses fils ont témoigné au micro de la passion ardente de leur père pour la musique classique, celle de Beethoven en premier lieu, et de son engagement indéfectible envers l’OM.
Programme principal
La Symphonie italienne de Mendelssohn, avec ses airs ensoleillés et pétillants d’énergie, était en parfait accord avec l’événement et la température. L’orchestre et le chef ont semblé prendre du temps à trouver leur aise : les deux premiers mouvements étaient un peu bousculés, d’une part par le choix du tempo plus vivacissimo que vivace dans le premier mouvement, et d’autre part par une « walking bass » (les croches en mouvement continu) juste un tantinet pas assez posée dans le deuxième mouvement. L’élégance charmante du troisième mouvement a cependant fait son œuvre, permettant à la synergie manquante de s’installer, avant de sauter à pieds joints dans la saltarelle effrenée du mouvement final.
Poursuivant une habitude qui lui est chère et dont on lui sait gré, l’OM a ensuite fait découvrir au public une œuvre d’une compositrice négligée, dans ce cas-ci La nuit et l’amour d’Augusta Holmès. La courte composition, essentiellement constituée de longues lignes chantantes sur une harmonie simple, réussit à éviter le sentimentalisme exagéré grâce à la qualité de sa facture.
Un autre cheval de bataille de l’OM est l’intégration de compositions québécoises au répertoire. Pour l’occasion, le chef a choisi un numéro énergique contrastant avec le lyrisme de l’œuvre précédente : Dansons le carcaillou d’Hector Gratton intègre des bribes de mélodies folkloriques dans un langage symphonique pour un résultat entraînant et joyeux.
Étonnamment, les trois derniers mouvements de l’Oiseau de feu de Stravinsky – la « Danse infernale », la « Berceuse » et le « Final » – fonctionnent très bien en formule concert d’extérieur. Les timbres de l’orchestre, enfin mis en valeur par une sonorisation plus compétente que les années précédentes, brillaient presque autant qu’en salle, dont celui si riche et individuel de Michel Bettez au premier basson.
Vint alors le moment de faire monter sur scène l’invité « surprise » (révélé la veille) Pierre Lapointe, qui a interprété trois de ses chansons récentes. La force du chansonnier québécois a toujours été la richesse de ses textes et Toutes tes idoles, Madame, bonsoir, et Hymne pour ceux qui ne s’excusent pas ne font pas exception. La présence scénique du chanteur aimé du public québécois était cependant tempérée et mise en sourdine, surtout placée en contraste avec l’exubérante et désinhibée animation fournie par Mariana Mazza. Heureusement, l’orchestre a rallumé la flamme en offrant en rappel sa maintenant traditionnelle interprétation de l’arrangement « swingant » Fifth of Beethoven de Walter Murphy, question de se laisser sur une note dansante.
Animation
Parlant de swing, à travers les blagues sans filtres et traductions bancales de Mariana Mazza, j’avoue que « ça sent même pas le swing / it doesn’t smell like swing » m’a fait rire. Pas certaine que sa description de l’OM comme un orchestre qui ne joue pas si souvent ensemble et des pauvres musicien·ne·s comme devant aller travailler au Subway après leurs services d’orchestre ait aussi bien passé. Il est rare que d’insister sur une blague maladroite améliore les choses, mais Mazza a sauvé la situation en appliquant plus tard cette même description à Yannick Nézet-Séguin, poussant le tout nettement dans le terrain de l’absurde de sorte à ne plus laisser planer de doutes.
Histoires d’immigrations réussies
En 2023, l’OM avait exprimé son soutien à la communauté LGBTQ+ en invitant Ariane Moffatt pour chanter La vie en rose. Hier, ce sont les populations immigrantes et leurs histoires d’intégration réussie qui formaient le thème parallèle de la soirée. Mariana Mazza a souligné l’improbabilité de sa présence sur scène avec l’OM (d’autant plus qu’elle a été convoquée en remplacement de Kim Thuy, empêchée, mais qui aurait elle aussi été une digne représentante d’une histoire à succès d’immigration réussie) et la fierté de sa mère, arrivée du Liban il y a 35 ans.
Un autre immigrant de première génération, Alex Ionescu, s’est également avancé au micro avec sa mère Loretta et sa fille Oliva pour annoncer sa décision d’appuyer les dons récoltés au cours de la soirée par une contribution substantielle provenant du Fonds OVI – Fondation de la famille Ionescu, souhaitant ainsi contribuer à maintenir l’accès à la musique pour sa fille et les jeunes générations dans la ville qui a accueilli sa famille.
Prochaine prestation
Après cette soirée légère et accessible, l’OM se prépare à aborder un répertoire contrastant en tous points, soit Tristan de Wagner en version concert, présenté dimanche 16 h au Festival de Lanaudière.