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FILMS | Le Festival international du Film sur l’art dans le confort de son foyer

Le FIFA se poursuit en ligne jusqu'au 30 mars.
Le FIFA se poursuit en ligne jusqu’au 30 mars.

Les présentations en salle du FIFA se sont conclues en fin de semaine passée, mais jusqu’au 30 mars, il reste la possibilité de visionner en ligne une bonne partie de la programmation sélectionnée pour cette édition. Voici une première compilation de brefs compte-rendus des nombreux films ayant des sujets musicaux. Une deuxième compilation suivra.

Dale

Ce court-métrage de 10 minutes dresse un portrait de Dale Hikawa, la première femme asiatique à joindre les rangs de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. Hikawa est la seule à prendre la parole devant la caméra, qui la capte vaquant aux activités remplissant son quotidien depuis sa retraite de l’orchestre. C’est sympa, mais ça ne casse rien. En tant que court-métrage, le film n’a clairement pas les mêmes ambitions que The Only Girl in the Orchestra, documentaire de 35 minutes relatant la carrière d’Orin O’Brien, première femme contrebassiste admise à l’Orchestre philharmonique de New York, mais même en tenant compte de cette différence, Dale souffre de la comparaison entre ces deux productions aux sujets similaires. Le fait d’être présenté en première partie du portrait de Jakub Jozef Orlinski accentuait également l’écart entre les musicien·ne·s classiques de la vieille école et les touche-à-tout éclectiques de la nouvelle génération.

 

Affiche du film Jakub Josef Orlinski, Music for a While (courtoisie FIFA)

Jakub Jozef Orlinski, Music for a While

Un contreténor de réputation international, également danseur de breakdance, utilisateur assidu des réseaux sociaux. On comprend qu’un réalisateur n’ait pu résister à l’envie de le prendre comme sujet. En l’occurrence, le réalisateur est Martin Mirabel, dont la production de films et de livres se penche sur des sujets musicaux tels que Martha Argerich, Gidon Kremer, Lucas Debargue, le Chevalier de Saint-George, Scarlatti, Dvorak, etc. Le film juxtapose séances musicales, séances de danse, interviews et posts tirés des réseaux sociaux d’Orlinski, dont la personnalité pétillante remplit l’écran. Le duo d’opéra impromptu avec un chauffeur Uber constitue un moment charmant non scripté. Non scripté également, a expliqué le réalisateur lors de la séance en salle, était de toute évidence l’oubli du Palau de la musica catalana d’installer les micros lors de la première partie du concert filmé, résultant en un manque de matériel utilisable pour cette section du documentaire. L’ensemble tire un peu en longueur, n’apportant plus rien d’essentiellement nouveau après un certain temps – mais comme ce n’est pas désagréable de passer du temps en compagnie du sourire et de l’énergie d’Orlinski, on ne s’en plaint pas outre mesure.

Ce qui nous lie

Ce documentaire s’attarde à nous faire connaître les instrumentistes de l’ensemble musical collectif9, ainsi que Myriam Boucher et Pierre-Luc Lecours, responsables de la composition musicale et de la création des vidéos accompagnant le projet Héros présenté au printemps 2024. Les entrevues individuelles sont abordées par des points d’approche différents pour chaque membre du groupe, soulignant leur individualité et la variété de leurs intérêts. Cependant, après avoir appris à connaître les parties, il manque, contrairement à ce qu’annonce le titre, un élément unificateur permettant de « recoller » en quelque sorte les morceaux individuels pour saisir la somme de ceux-ci, la raison d’être du groupe. Par ailleurs, les mouvements agités de la caméra à la main dérangent rapidement : cela n’a aucune raison d’être pour filmer un sujet assis ou pour capter des images en concert.

 

(Photo : courtoisie FIFA)

Érik Satie, entre les notes

Ce film accomplit le meilleur objectif qui soit : aider à mieux comprendre la musique de son sujet. Les personnes interviewées apportent des contributions intéressantes et à propos, si on oublie la généralisation grossière qui n’est pas du tout une explication offerte par le pianiste Nicolas Horvath (« C’est ce qu’on appelle une œuvre blanche, avec des enchaînements d’accords très étranges, qui ne sont pas dans les canons officiels de la composition, tout simplement parce qu’à cette époque-là, on était fan de Wagner, et tout le mouvement de Wagner, c’est de l’extrême complexité, [ … ] » – c’est une généralisation parce que même à l’époque, ce n’est pas tout le monde qui était fan de Wagner, et ce n’est pas une explication parce que Debussy, entre autres, opposait sa musique à celle de Wagner et ses compositions sont tout de même entrées dans le canon officiel.) Malgré cet écart, la présence de Torvath reste intéressante en tant qu’interprète spécialiste de l’œuvre de Satie, ayant entre autres exécuté ses Vexations pendant plus de dix heures. Exceptionnellement, les images atmosphériques tournées spécifiquement pour le documentaire (par opposition aux images d’archives incluses, dont de fascinants témoignages de Jean Cocteau et Georges Auric) sont pertinentes et en adéquation avec le propos. Je n’ai pas réussi à trouver la provenance du texte à la première personne narré en voix off. Il serait pourtant utile de savoir s’il s’agit d’extraits de textes rédigés par Satie lui-même ou d’un texte rédigé par un tiers, attribuant des sentiments à Satie dont on ne peut savoir s’ils sont justes ou non.

 

Affiche de Réveille-toi. (Photo : courtoisie FIFA)

Réveille-toi

Ce court-métrage suit le violoncelliste Thomas Dodji Kpadé alors qu’il retourne au Bénin, pays de son père, pour apprendre les traditions musicales locales, basées sur des structures rythmiques répétitives. Au terme des onze minutes, on assiste à une séance d’enregistrement, après quoi le film se termine abruptement. Le sujet, sûrement une nouveauté pour la majorité de l’auditoire nord-américain et européen, offrait pourtant matière à être développé beaucoup plus.

Voiceless

Voiceless est un cri à l’aide et la dénonciation d’une situation désespérée et despérante, plus qu’un film sur l’art. Il consiste presque entièrement du témoignage poignant d’une jeune fille assise face à la caméra, le visage entièrement flouté. Elle raconte comment la prise de pouvoir par les Talibans en août 2021 a complètement anéanti son rêve de devenir chanteuse (comme son idole Shakira) et de rendre le monde meilleur par sa musique. Alors qu’auparavant, elle se produisait régulièrement dans des fêtes et des événements publics, elle a maintenant détruit toute trace de ses prestations par preuve de représailles et ne peut plus compter sur le soutien de qui que ce soit pour reprendre ses activités musicales. Le visionnement du film ne procure pas une expérience esthétique, mais une expérience humaine choquante.

La programmation en ligne du FIFA est accessible jusqu’au 30 mars sur le site d’Arts Film, à l’achat d’un laissez-passer.

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