Toujours afin de vous aider à compléter vos achats de cadeaux, nous vous présentons de nouveau trois albums parus récemment, de trois genres bien différents, afin de rejoindre tous les types de mélomanes sur votre liste. La sélection d’aujourd’hui pourrait avoir été recommandée par les esprits du passé, du présent et de l’avenir : une rétrospective posthume du pionnier de l’animation et compositeur Norman McLaren, un album s’inscrivant dans la continuité et représentant le raffinement exemplaire du travail d’Oktoecho et de la compositrice Katia Makdissi-Warren, et celui d’une jeune artiste se bâtissant de plus en plus un avenir rayonnant, Élisabeth St-Gelais.
MUSIQUE VOCALE
Élisabeth St-Gelais, soprano et Louise Pelletier, piano – Infini
par Béatrice Cadrin
Étiquette : ATMA Classique
Pour ses débuts chez ATMA Classique, la soprano acclamée Élisabeth St-Gelais, tout récemment nommée récipiendaire du prix Fernand-Lindsay, fait découvrir aux auditeurs·ices une sélection de mélodies françaises de Chaminade, Bizet, Poulenc, Saint-Saëns et Duparc. Le goût aiguisé de St-Gelais pour le genre de la mélodie française transparaît autant dans le soin mis à assembler ce florilège que dans l’investissement manifeste des interprétations. La voix pleine et vibrante de St-Gelais s’y déploie à l’aise, même dans les aigus qui restent souples et ouverts. La chanteuse est soutenue par le jeu différencié de l’excellente Louise Pelletier au piano. L’œuvre de Chaminade qui donne son titre à l’album, une découverte charmante sur un poème de Charles Fuster, mérite sa place d’honneur en ouverture d’album.
La présentation graphique de la pochette est plutôt fantaisiste, avec la présentation intentionnellement désordonnée des paroles de chaque plage. Prenons-le comme une façon de prolonger le plaisir de notre calendrier de l’avent, où plutôt que de chercher la fenêtre portant le bon chiffre, il faut chercher le texte correspondant à chaque chant …
À offrir aux inconditionnel·le·s d’Élisabeth St-Gelais comme aux néophytes pour leur faire découvrir la voix de cette jeune artiste.
MUSIQUE ET IMAGE
Rythmetic : Les compositions de Norman McLaren
par Éric Champagne
Étiquettes : We Are Busy Bodies / Phantom Limb / Office national du Film
L’Office national du film du Canada propose ici un petit trésor de notre patrimoine musical … insoupçonné! Car si l’œuvre visuelle de Norman McLaren est bien connue, son apport musical est relégué au second plan quand il n’est pas carrément ignoré. Pourtant, en plus d’innover sur le plan de l’animation, McLaren travaillait les bandes sonores de ses films avec une attention toute particulière et avec des techniques tout à fait novatrices pour l’époque.
L’œuvre sonore de Norman McLaren est de celle qui ouvrira la voie aux musiques électroniques au pays, au même titre que le travail d’inventeur et de créateur de Hugh Le Caine, au point où le compositeur américain Milton Babbitt décrira McLaren comme le « premier musicien électronique » (une déclaration qu’il faut un peu nuancer, mais qui consolide néanmoins l’aspect novateur des créations de McLaren).
Expérimentale et avant-gardiste, sa musique est néanmoins très ludique et amusante. Son imaginaire débordant et son inventivité vivante insufflent à ses compositions un caractère toujours coquin et goguenard. Il en résulte une musique fondamentalement cinématographique, c’est-à-dire qu’en plus d’être conçue pour l’image, elle évoque l’image. Écouter ces œuvres sans support visuel devient une expérience très stimulante pour l’imagination : il est impossible pour notre esprit de ne pas voir des images – abstraites ou pas – qui virevoltent sur ces sons saugrenus.
L’album est constitué de bandes-son de ses plus célèbres films d’animation, mais aussi de réalisations sonores inédites qui sont ici accessibles pour la première fois. Vivace et fantaisiste, cet album plaira aux cinéphiles, mais aussi à toute personne qui désire explorer un univers stimulant, part importante de notre imaginaire collectif.
MUSIQUE DU MONDE / MUSIQUE CONTEMPORAINE
Oktoecho – Saimaniq Simuvut
par Éric Champagne
L’ensemble Okotecho, dirigé par la compositrice Katia Makdissi-Warren, présente son nouvel album dont le titre signifie « paix, vers l’avenir ». Le travail de métissage et d’inter-influences typique des créations de cet ensemble atteint un point de raffinement exemplaire avec cet album. C’est la culture inuit qui est ici à l’avant-plan, avec l’apport des artistes autochtones Lydia Etok et Nina Segalowitz qui nous font découvrir à travers un répertoire original le katajjaq, le tambour inuit et le chant Ayaya. La chanteuse Hélène Martel et les instrumentistes Bertil Schulrabe, Michel Dubeau, Eryk Warren et Carla Antoun y greffent des influences des polyrythmies arabes, le son des flûtes japonaise et irlandaise et des relents de musique électronique.
Aussi bigarré que puissent être ces diverses influences, le résultat en est paradoxalement des plus unis. C’est que la créativité est si riche qu’elle amalgame le tout pour créer un univers vibrant et communicatif.
Surprenant et vivant, cet album est une belle réussite qui saura plaire aux esprits curieux.