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CRITIQUE | Marathon Beethoven de l’OM : des hauts et des bas menant à une éclatante finale

Yannick Nézet-Séguin dirigeant les solistes Ying Fang, Rihab Chaieb, Matthew Cairns et Joshua Hopkins, le Chœur et l'Orchestre Métropolitain dans la Neuvième symphonie de Beethoven le 20 octobre 2024. (Photo : François Goupil)
Yannick Nézet-Séguin dirigeant les solistes Ying Fang, Rihab Chaieb, Matthew Cairns et Joshua Hopkins, le Chœur et l’Orchestre Métropolitain dans la Neuvième symphonie de Beethoven le 20 octobre 2024. (Photo : François Goupil)

S’étant conclu dimanche par deux concerts en quelques heures, le Marathon Beethoven de l’Orchestre Métropolitain est maintenant chose du passé. Le concert d’après-midi, présentant les première et neuvième symphonies ainsi qu’Amor fati de Marie-Pierre Brasset, a attiré de nombreux et nombreuses mélomanes sacrifiant l’attrait du soleil d’automne pour entendre chœur et orchestre lancer un appel à l’union de l’humanité dans le célèbre « Hymne à la joie ».

Amor fati

Conformément au déroulement établi lors des trois autres concerts, le programme débutait par la création de l’œuvre sélectionnée dans le cadre du concours Héritage Beethoven. Il s’agissait cette fois d’Amor fati, une composition de Marie-Pierre Brasset. La section principale de l’œuvre brossait de larges plans harmoniques soutenus par les timbres des instruments de l’orchestre. La présence d’une introduction basée sur une citation exacte des accords du début de la Première symphonie de Beethoven, dont la fragmentation menait à un traitement plutôt simpliste en accelerando, permettait de lier l’œuvre au programme principal qui suivait, et semblait avoir été ajoutée dans ce but à une section principale qui en réalité se suffisait à elle-même.

Première symphonie

L’Orchestre Métropolitain s’est ensuite lancé dans une exécution enlevante, dynamique et bien menée de la Première symphonie. Dès l’introduction, Yannick Nézet-Séguin démontre son parti pris pour les tempos vigoureux, qu’il a maintenu à travers les quatre mouvements. Les notes de programme expliquent que lors de la première de l’œuvre, Beethoven s’est fait reprocher la présence trop développée des vents, contrevenant aux conventions du moment. Nézet-Séguin a clairement décidé de jouer cette carte jusqu’au bout, faisant ressortir certaines lignes secondaires, par exemple chez les cors, sans toutefois faire ombrage aux cordes. Chez celles-ci, les deuxièmes violons, qui souffraient parfois d’un déséquilibre sonore dû à leur placement les faisant projeter vers le fond de la scène, ont entamé le deuxième mouvement avec une présence assurée de mise. Si j’ai bien observé, les premiers violons ont choisi d’exécuter certains passage du troisième mouvement en position élevée sur la corde grave, leur donnant à la fois du corps et une couleur nuancée, pour un résultat intéressant.

L’enchaînement des troisième et quatrième mouvements a été une révélation. À travers cette simple décision, la construction progressive de la montée donnant naissance au premier thème du mouvement final acquérait un nouveau niveau de cohérence.

Je conserve par ailleurs certaines réticences face à la gestion globale des nuances, qui manquait de discipline : les nuances douces n’allaient pas assez loin et ne se maintenaient souvent pas aussi longtemps que le dicte la partition.

La Neuvième

La Neuvième symphonie a alterné entre grandes réussites et passages souffrant des mêmes faiblesses que celles constatées vendredi soir, dont certaines peuvent assurément être mises sur le compte de la fatigue. Le point le plus fréquent était de nouveau le manque de cohésion dans l’orchestre, se manifestant par des tempos variables et variés. Les valeurs courtes suivant des valeurs longues – la croche suivant une noire pointée, par exemple – étaient très souvent précipitées, ce qui devenait particulièrement évident quand une autre section jouait des doubles croches en continu. Certaines attaques manquaient de netteté, de sorte qu’il n’était pas possible de saisir si l’intention était d’attaquer la note directement, ou si un gonflement (crescendo-decrescendo) était prévu. La différence n’est pas anecdotique, dénotant une prise de position par rapport au mouvement d’interprétation historique.

Certaines réussites se démarquent : le pianissimo du début du développement dans le premier mouvement; le trio du deuxième mouvement très bien réussi de la part de tous les instruments impliqués, dont les altos, les bois et particulièrement le cor; la couleur tendre et touchante dans le troisième mouvement. Yannick Nézet-Séguin réservait cependant le meilleur pour la fin : une finale enlevante avec un chœur et un orchestre déchaînés, entraînant la salle entière dans leur orbite aux couleurs de fraternité et d’harmonie. Que le texte ait été complètement inintelligible sauf à de rares endroits est peut-être secondaire dans le contexte.

Les solistes

Le placement des solistes au premier rang du chœur (et non sur le devant de la scène) fonctionnait relativement bien sans être complètement convaincant. La mezzo-soprano Rihab Chaieb en a le plus souffert : elle qui n’a d’habitude aucune difficulté à projeter se retrouvait encerclée de sonorités dans le même registre que sa voix, la camouflant un peu. Le baryton Joshua Hopkins n’était pas exposé au même problème pour son entrée fracassante, Beethoven réduisant les interventions instrumentales à cet endroit.

Du côté des voix aigues, la soprano Ying Fang a dévoilé un timbre étonnant pour son registre de voix, avec beaucoup de corps, pas du tout flûté ou cristallin. Le ténor Matthew Cairns a également été une découverte agréable, tenant sa partie avec présence et agilité.

La suite des choses

Après cette plongée ambitieuse dans le rude univers beethovénien, les prochains projets de l’Orchestre Métropolitain sont de nature moins révolutionnaire : un concert famille intitulé La sorcière mélomane sollicitant une partie des cuivres et des percussions est proposé le 27 octobre à la Salle Bourgie, suivi d’une autre présentation s’adressant aux familles (mais pas seulement), soit le récit du Petit Prince de St-Exupéry mis en musique par Éric Champagne.

LA SORCIÈRE MÉLOMANE : LE 27 OCTOBRE, 14 H 30, SALLE BOURGIE DÉTAILS ET BILLETS

LE PETIT PRINCE : LE 17 NOVEMBRE, 13 H 30 ET 15 H 30, MAISON SYMPHONIQUE DÉTAILS ET BILLETS

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