Ludwig Van Montreal

CRITIQUE | Deuxième volet du Marathon Beethoven de l’OM : un concert manquant de finition

Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre Métropolitain le 17 octobre lors du premier concert Beethoven héroïque du Marathon Beethoven. (Photo : François Goupil)
Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain le 17 octobre lors du premier concert Beethoven héroïque du Marathon Beethoven. (Photo : François Goupil)

L’Orchestre Métropolitain poursuivait hier soir son Marathon Beethoven – dont j’ai manqué la veille le premier volet – par la présentation des symphonies nos 6 et 7, précédées de la création de Prélude aux paysages urbains de Francis Battah.

Si la spontanéité et l’exubérance trônent en tête de liste de vos priorités d’interprétation musicale, si vous allez au concert pour communier avec les instrumentistes d’un orchestre symphonique ayant un plaisir manifeste à jouer et donnant de leur personne sans hésiter, si l’évocation de la douceur de la nature à travers les timbres de l’orchestre symphonique éveille en vous des sensations de bien-être, si vous aimez la façon dont l’impact éclatant d’une tempête déchaînée vous traverse le corps, si entendre live le deuxième mouvement de la Septième symphonie vous transporte d’extase, le concert d’hier soir vous aurait donné satisfaction sur tous ces points. D’ailleurs, je souscris à tous ceux-ci.

Mais à mes oreilles, le plaisir apporté par ces aspects positifs était terni par l’absence quasi totale de construction architecturale et de vision à long terme. La gestion du phrasé dépassait rarement le moment présent et la plus petite unité. Les crescendos ouvraient trop tôt. Les motifs répétés, déjà dépourvus de direction la première fois, étaient repris complètement à l’identique, enlevant toute justification rhétorique à la répétition.

Plus inquiétant, la sensation interne (et parfois carrément externe) du tempo variait d’une section à l’autre. Un thème énoncé avec élan par les altos et les violoncelles se trouvait freiné lorsque transmis aux premiers violons. La section principale du premier mouvement de la Septième symphonie a commencé dans un tempo allant, qui s’est assis au bout de deux mesures. Je nomme ces deux exemples, mais des situations similaires se sont répétées tout au long du concert, laissant l’impression d’un orchestre qui manquait de cohésion. Ironiquement, le programme imprimé consacre un encart de quatre paragraphes à l’importance qu’accordait Beethoven à l’exactitude des tempos.

Au chapitre des bons coups, soulignons, dans la Symphonie pastorale, le célèbre passage des oiseaux à la fin du deuxième mouvement, le retour au calme rempli d’atmosphère après la tempête et la synchronisation admirable des violoncelles et du premier basson dans le motif en doubles croches enchaînées du dernier mouvement; dans la Septième symphonie, la différence entre le piano et le pianissimo au début du deuxième mouvement, l’échange de motifs absolument sans heurts et avec des nuances parfaitement équilibrées dans le troisième mouvement, la force et l’éclat du fortissimo venant supplanter le forte précédent au début du quatrième mouvement et l’énergie contagieuse et maintenue sans relâche dans l’ensemble du quatrième mouvement (qualifié par Yannick Nézet-Séguin de « musique en état d’ébriété »).

Prélude aux paysages urbains

Les deux symphonies étaient précédées de la création de Prélude aux paysages urbains de Francis Battah, un compositeur dont la carrière progresse rapidement et qui cumule les prix, ici et en Europe. La pièce sélectionnée dans le cadre du concours Héritage Beethoven démontre qu’on a affaire à un compositeur compétent, maîtrisant les moyens techniques à sa disposition. Malgré une certaine facilité dans le propos, elle présente des textures orchestrales réussies et un doigté pour l’équilibre formel. Le compositeur y cite une version au rythme modifié du premier thème de la Symphonie pastorale, amenant Nézet-Séguin à enchaîner les deux sans interruption.

Suite du Marathon Beethoven

La présentation du Marathon Beethoven faisait relâche aujourd’hui pendant que le chef se rendait à New York diriger au Metropolitan Opera la dernière représentation du nouvel opéra Grounded de Jeanine Tesori, diffusée live dans le cadre de la série Met Live in HD. Le Marathon reprend demain avec, dans la même journée, les symphonies nos 4, 5, et 8 regroupées lors du concert de 11 h, et les symphonies nos 1 et 9 à 15 h 00, toujours à la Maison symphonique. Les créations entendues seront de Cristina Garcia Islas et de Marie-Pierre Brasset.

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