Ludwig Van Montreal

CRITIQUE | Giselle enchanteresse aux Grands Ballets

Les Grands Ballets présentent cette semaine le ballet romantique Giselle. (Photo : Grands Ballets, Sasha Onyshchenko)

Les Grand Ballets canadiens concluent cette semaine leur saison 2023-2024 avec une très belle production de Giselle, ballet romantique entre tous, dans la chorégraphie d’Ivan Cavallari créée en 2019, d’après Jean Coralli, Jules Perrot et Marius Petipa. Comme pour Carmina récemment, l’Orchestre des Grands Ballets est placé sous la direction de Jean-Claude Picard pour interpréter la musique d’Adolphe Adam et des ajouts par Christoph Willibald Gluck.

La musique d’Adam ne dépasse pas sa fonction utilitaire de faciliter la danse qu’elle accompagne, mais l’orchestre s’en acquitte bien, avec cohésion et caractère. La direction de Picard est un peu trop expansive pour le contexte, mais le résultat n’en souffre pas.

Sur scène, le spectacle est envoûtant. Un immense rideau de longues franges serrées accroché en demi-lune forme un écran traversant toute la scène sur lequel sont projetés des paysages fleuris ou des motifs de nuages. Au premier acte, des piles de fagots de bois posés par les paysans côté cour servent à camoufler l’épée révélatrice de l’identité noble d’Albrecht, identité qu’il tient secrète pour pouvoir courtiser Giselle malgré qu’il soit déjà fiancé à Bathilde. C’est le dévoilement de cette identité par Hilarion, jaloux de l’amour de Giselle pour le duc menteur, qui provoquera dès la fin du premier acte la mort de la frêle Giselle.

Esnel Ramos et Rachele Buriassi en tant que Giselle et Albrecht. (Photo : Sasha Onyshchenko)

Le soir de première, le rôle titre était dansé par la gracieuse et émouvante Mai Kono, en duo avec Robby Doble dans le rôle d’Albrecht. Le couple a exécuté des portés de toute beauté, avec sérénité et confiance. Célestin Boutin (Hilarion) a épaté par des sauts explosifs dans une incarnation robuste qui attirait la symphathie, malgré la jalousie rongeant son personnage.

Au deuxième acte, le monde spectral des Willis, ces jeunes fiancées mortes avant leurs noces, était bien rendu à la fois par les détails de la chorégraphie et par l’exécution éthérée des exécutantes. Maude Sabourin a fait preuve d’une maîtrise assurée dans les arabesques soutenues de Myrtha, reine des Willis. Mention spéciale également à Aurora De Mori, Kiara DeNae Felder et l’ensemble du corps de ballet pour leur légèreté diaphane.

Comme pour bien des opéras, il faut éviter de trop s’attarder au livret ténu et insipide pour apprécier le spectacle. Le « ballet blanc », dont l’âge d’or assez bref couvre les années 1832 à 1850 environ, représente encore aujourd’hui pour plusieurs le summum du ballet classique, avec ses rangées de ballerines sur pointe enveloppées de tulle blanche, évoquant le mystère et la beauté évanescente de jeunes filles « alanguies en quête d’un amour inaccessible fleurissant au-delà de la tombe » (Philippe Szporer). Cette production des Grands Ballets plaira aux connaisseurs par la qualité de l’exécution et par le souci du détail, et aux nouveaux admirateurs et admiratrices par la beauté traditionnelle du spectacle.

Autre retour spectral

Les Willis ne sont pas les seuls spectres présents dans la production : celui de la covid a refait une apparition dans l’orchestre, forçant le premier hautbois et le premier basson à se désister le jour même de la première. Félicitations à Andréanne Chartier Labrecque (hautbois) et à Alain Thibault (basson) pour leur excellent travail en les remplaçant à la dernière minute. Bravo également à Véronique Potvin pour le long solo d’alto du deuxième acte.

LE 31 MAI ET LE 1 JUIN, 20 H, LES 1 ET 2 JUIN, 14 H, SALLE WILFRID-PELLETIER DÉTAILS ET BILLETS

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