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NOUVELLE | Des œuvres inédites de Purcell retrouvées parmi des documents juridiques

C’est le rêve de tout musicologue : découvrir une œuvre inédite, perdue ou oubliée d’un compositeur célèbre. Certains chercheurs explorent les bibliothèques de musique ou encore les fonds d’archives de divers musiciens dans l’espoir d’y trouver des trésors cachés. Or les trésors se cachent parfois là où on ne les attend pas!

C’est le cas de ces découvertes récentes d’œuvres inédites d’Henry Purcell (1659-1695), le plus important compositeur de l’époque baroque en Angleterre. Les partitions d’une chanson ainsi que d’un manuscrit regroupant des œuvres pour clavier ont été découvertes dans des services d’archives de comtés britanniques, oubliées parmi des documents administratifs!

Nous devons ces découvertes à Stephen Rose, professeur de musique à Royal Holloway – un collège de l’Université de Londres – et directeur du projet « Musique, Patrimoine, Lieu : Décryptage des collections musicales des archives départementales d’Angleterre », une initiative réalisée en collaboration avec l’Université de Newcastle et qui vise à cataloguer les documents musicaux dans ces centres d’archives qui sont « souvent en difficulté après des décennies de coupes budgétaires des autorités locales ».

Dans une entrevue donnée à The Guardian, Rose a déclaré : « Ces deux découvertes illustrent le rôle crucial des archives du conseil départemental et de son personnel dans la préservation de ce patrimoine musical. Elles apportent toutes deux un éclairage précieux sur le type de musique que Purcell composait durant les cinq dernières années de sa courte vie. »

Retrouvée dans un volume de mandats d’arrêt et d’autres documents juridiques du Worcestershire, la première partition est une chanson intitulée As soon as day began to peep. Elle aurait été composée pour la pièce de théâtre Love for Money, écrite en 1691 par Thomas D’Urfey, un collaborateur régulier du compositeur.

Cette chanson était destinée à un personnage de dandy français nommé Monsieur le Prate. Rose décrit ce dernier comme « pas tout à fait en contrôle de ses émotions » dans sa tentative de conquérir la femme dont il est amoureux. « Il se compare de manière comique à un chat hurlant et grattant à la porte de sa bien-aimée, Purcell représentant les miaulements en musique. »

Cet air retrouvé nous dévoile un Purcell au registre léger, presque burlesque, mettant en musique un personnage comique à l’accent français caricatural. La partition imprimée est néanmoins incomplète. Alan Howard, président de la Purcell Society et professeur associé de musique au Selwyn College de Cambridge, a été mandaté pour compléter l’œuvre.

La seconde découverte est plus substantielle. Il s’agit d’un manuscrit regroupant diverses pièces pour clavier, qui a été trouvé dans les archives locales de Norfolk. Il comprend neuf pièces, soit trois de Purcell et six de John Blow (1649-1708). Les manuscrits des œuvres de Purcell seraient de la main du compositeur.

On y retrouve notamment la première version, inédite, de sa Suite en sol mineur, révélant une ornementation et une structure différentes de la version connue jusqu’à présent. Stephen Rose souligne que « les nombreuses différences de texture et d’ornementation du clavier » donnent « un aperçu de la façon dont Purcell a pu jouer du clavecin ».

Le manuscrit se présente dans une reliure en cuir rouge de qualité, ornée de décorations dorées, ce qui laisse croire qu’il appartenait autrefois à un riche particulier. Vers 1810, ce document fut « réaffecté » dans le centre d’archives du conseil municipal de Thetford, certaines pages aux portées vierges ont alors été utilisées comme registre administratif.

Les pièces seront numérisées et mises à la disposition des musiciens, chercheurs et curieux. Le manuscrit de Norfolk sera quant à lui présenté le 24 octobre à l’émission The Song Detectorists sur les ondes de BBC Radio 3.

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