
Les Ballets Trockadero de Monte Carlo — alias Les Trocks — passeront à Montréal le 16 octobre dans le cadre leur tournée marquant leur 50ᵉ anniversaire. Depuis 1974, cette compagnie entièrement masculine enchante les publics grâce à un savant mélange d’humour et de danse qui bouscule les genres.
Le spectacle inclura les parodies de ballets classiques qui ont fait la renommée des Trocks, comme la scène de la mort du cygne dans Le Lac des cygnes, mais il présentera aussi, en première montréalaise, l’œuvre contemporaine Metal Garden chorégraphiée par Seán Curran.
Les Ballets Trockadero de Monte Carlo
La compagnie est née en 1974 à New York, fondée par un groupe de passionnés de danse désireux de présenter le ballet sous un angle ludique et divertissant, en recourant à la parodie et en confiant tous les rôles — y compris ceux habituellement dansés par des femmes sur pointes — à des hommes.
Larry Ree avait déjà lancé le Gloxinia Trockadero Ballet Company, qui s’amusait à détourner les codes du ballet russe à travers des performances travesties. Celles-ci reposaient surtout sur une suite de saynètes plutôt que sur une véritable chorégraphie. Peter Anastos, Anthony Bassae et Natch Taylor ont éventuellement quitté cette troupe pour créer Les Ballets Trockadero, en mettant cette fois l’accent sur la danse et les chorégraphies.
Depuis, ils ont joué dans 43 pays et plus de 660 villes à travers le monde.
Le secret du succès des Trocks réside dans un humour basé sur l’exagération et la comédie physique, mais aussi sur un profond respect pour l’art du ballet. Leur mission est de transmettre l’amour de la danse et , en parallèle, de mettre en lumière la créativité 2SLGBTQIA+.
À l’aube de leur demi-siècle d’existence, la troupe regarde vers l’avenir. Elle prévoit de nouvelles commandes chorégraphiques et poursuit son programme éducatif lancé en 2016. Depuis 2023, son Choreography Institute accueille des résidences permettant à des chorégraphes invités d’expérimenter avec la compagnie, parfois en vue de futures collaborations.
Tory Dobrin, directeur artistique : l’entrevue
Tory Dobrin, entré dans la troupe comme danseur en 1980, en est aujourd’hui le directeur artistique.
Il insiste pour souligner que les Trocks ne se moquent pas du ballet.
« Nous ne tournons pas l’art en dérision. Notre intention n’est pas de le ridiculiser », explique-t-il. « C’est de la comédie qui s’appuie sur le ballet classique. »
Dans leur parodie du Lac des cygnes, par exemple, l’Acte II se concentre sur l’histoire d’amour entre la Reine des cygnes et le Prince.
« Puis nous donnons aux cygnes une chorégraphie façon vaudeville. Nous essayons de capter l’attention du public en lui offrant plusieurs centres d’intérêt dans un même spectacle », ajoute-t-il. « Nous travaillons trop fort pour nous en tenir à la simple moquerie ».
En effet, au-delà de l’aspect comique, les danseurs doivent relever les défis posés par des chorégraphies complexes.
« La comédie n’a pas tendance à éveiller le même respect que le drame,» dit-il en notant les exemples de Laurence Olivier et Vivien Leigh, célébrés pour leurs rôles dramatiques, alors que des figures comiques comme les Marx Brothers ou Gracie Allen n’ont pas bénéficié du même prestige.
« Il existe pourtant beaucoup de types de comédie », précise-t-il. « Nous essayons d’en proposer plusieurs. Nous avons 13 ou 14 danseurs, chacun ayant quelque chose d’individuel à offrir. »
Metal Garden
Les représentations à Montréal incluront la première canadienne de Metal Garden, créée en 2001 par le chorégraphe Seán Curran.
Cette pièce pleine d’entrées et de sorties inattendues joue avec les attentes du public. Dobrin explique :
« Nous l’avons en fait créée pour la première fois en juin dernier. »
L’intégration d’œuvres contemporaines permet de garder les spectacles stimulants, pour les spectateurs comme pour les danseurs. « Tout ce que nous faisons doit pouvoir interpeller à la fois les connaisseurs de la danse et ceux et celles qui découvrent cette forme d’expression – et notre troupe. On cherche aussi à ce que e soit intéressant pour nous, les danseurs. »
L’esthétique de Curran convient à la compagnie comme un gant. « Nous ne travaillons pas souvent avec un chorégraphe extérieur, mais dans ce cas-ci àa nous semblait un bon choix. »
Et si Dobrin s’interrogeait d’abord sur l’accueil du public :
« Le public a adoré. Je ne sais même pas tout à fait ce qui leur a tant plu, mais c’est là la beauté de la comédie. Il est vrai qu’on a rajouté quelques blagues. Il s’agit d’un ballet plutôt excentrique, d’une façon attrayante. »
Dobrin raconte que le maître de ballet des Trockls est récemment aller voir la version originale à New York, dansée par la compagnie de Curran lui-même. « Ils faisaient la même chorégraphie – mais personne n’a ri! »
Cinquante ans de Trocks
Dobrin, songeur, constate que ça fait cinquante ans qu’il fait partie des Trocks. « Cinquante ans, c’est très long. »
La compagnie mise sur l’attrait de la danse, mais également sur la spécificité de leur approche.
« Tout le monde aime rire », dit-il, notant que selon lui les spectacles de danse peinent aujourd’hui en Amérique du Nord et en Europe à trouver leur public et à le fidéliser. « Il y a eu une époque où la danse était très, très populaire. Y ajouter la touche comique procure à l’expérience une touche différente. Mais je crois que la raison de notre longévité est simplement que c’est un très, très bon spectacle. »
Dubrin note que la troupe a évolué au rythme des danseurs : aujourd’hui, les membres proviennent tous de la danse contemporaine, ce qui apporte un changement de perspective.
Le spectacle des Trocks représente également un bon antidote à la nature souvent sombre et chargée de plusieurs œuvres contemporaines, que ce soit dans le monde de la danse ou du théâtre. « Nous offrons quelque chose de différent. »
Leur spectacle forme une sortie idéale pour un couple ou un groupe d’ami·e·s, où certains peuvent déjà être des passionné·e·s de danse, tandis que d’autres sont des amateurs de comédie. Selon Dobrin, leur public est constitué du public régulier de la danse ainsi que des amateurs de théâtre et de simples curieux·ses. « Nous attirons évidemment un public gay et lesbien. »
La compagnie présente un visage diversifié au public en termes d’interprètes, un groupe éclectique avec une variété de morphologies. Les publics sont également multigénérationnels.
« Nous avons beaucoup d’enfants maintenant », dit Troy. « Ce n’est pas un spectacle pour enfants. C’est une prestation de danse sophistiquée, mais les enfants adorent ça », ajoute-t-il. « C’est une super bonne introduction au ballet pour les enfants. »
Réflexions finales : La danse
« Je ne sais pas ce qui en est au Canada en ce moment, mais ici, la situation est assez sombre », dit Dobrin. « Aux États-Unis, les programmateurs ne présentent tout simplement plus la danse comme ils le faisaient autrefois. »
La comédie des Trocks leur donne un avantage dans cet environnement difficile.
« Nous réussissons à nous maintenir, ce qui est déjà un accomplissement de nos jours. »
Il dit qu’il a une réponse standard lorsque les gens lui demandent quels sont ses projets pour l’avenir.
« Je dis que simplement survivre est suffisant. »
LE 16 OCTOBRE, 19 H 30, THÉÂTRE MAISONNEUVE DÉTAILS ET BILLETS
Cet article a été rédigé en anglais par Anya Wassenberg pour Ludwig van Toronto et traduit et adapté en français par Béatrice Cadrin pour Ludwig van Montréal. L’article original peut être consulté ici.